La pêche de coquillages à pied est pratiquée de manière artisanale depuis des millénaires en Bretagne. Au départ réalisée principalement par des femmes et des enfants dans un but nourricier, la pêche à la palourde s’intensifie et se professionnalise progressivement dans le golfe du Morbihan dans les années 1990. Cette pêche contemporaine s’exerce à pied, à la main sur les vasières ou en plongée, ou sur un navire opérant au moyen d’une drague. Ces pratiques récentes ont peu évolué mais persistent sur le territoire du Parc naturel régional du Golfe du Morbihan, malgré une baisse du nombre d’actifs depuis le début des années 2000.

La pêche de palourdes à pied est pratiquée par des pêcheurs professionnels ou par des amateurs, locaux ou vacanciers. En Bretagne, cette pratique de loisir est ancrée dans le passé, néanmoins la présente fiche est centrée sur l’activité professionnelle de la pêche à la palourde. Les pêcheurs à pied professionnels doivent être détenteurs d’un permis de pêche à pied et d’une licence de pêche à pied avec un timbre coques et palourdes. Ils sont affiliés à l’Établissement national des invalides de la Marine (ENIM) ou à la Mutualité sociale agricole (MSA). La pêche de palourdes en plongée est uniquement autorisée pour les pêcheurs à pied professionnels.

 

« Le pêcheur à pied » désigne le pêcheur ramassant à marée basse, à la main, les coquillages. Il faut distinguer le « pêcheur à pied » au sens strict également appelé « pêcheur à la main » pratiquant la pêche de palourdes à la main sur les vasières, du pêcheur exerçant en plongée dit « pêcheur en plongée » ou « pêcheur en tuba ».

 

Au départ, pratiquée essentiellement par des femmes, principalement originaires de la commune de Séné (dites « sinagotes »), l’activité de pêche de palourdes à pied est aujourd’hui exercée majoritairement par des hommes. Les premiers pêcheurs à pied sont dans les années 1990, pour une grande part étrangers à la profession de pêcheur, beaucoup ne sont pas originaires de la région. La pêche à pied est un métier physique, il a au départ été pratiqué en partie par des personnes éprouvant des difficultés à s’insérer dans le milieu de l’emploi. L’Agence nationale pour l’emploi a d’ailleurs incité, dans les années 1990, les demandeurs d’emploi à se lancer dans cette nouvelle profession. La plupart des pêcheurs à pied pêchent la palourde de façon saisonnière mais certains exercent cette activité à l’année. Certains pêcheurs se concentrent sur la pêche de la palourde, les autres diversifient leurs prises.

 

La pêche à la drague est seulement autorisée pour les marins-pêcheurs identifiés auprès de l’ENIM et détenteurs d’une licence embarquée de pêche de la palourde. Le « pêcheur à la drague » désigne le pêcheur embarqué pêchant la palourde au moyen d’une drague, on l’appelle parfois « pêcheur embarqué ». La pêche de palourdes ne consiste qu’en une petite part du métier de pêcheur à la drague. Les pêcheurs embarqués pêchent également d’autres espèces comme la morgate, les rougets, l’anguille, etc. La pêche de palourdes à la drague est uniquement pratiquée par des hommes. Les dragueurs de palourdes du territoire sont principalement originaires de la commune de Séné.

 

La pêche professionnelle à la palourde peut être l’activité principale du pêcheur ou une activité complémentaire, à l’ostréiculture par exemple.

Sur le territoire du Parc naturel régional du Golfe du Morbihan, la pêche à la palourde est autorisée sur deux gisements classés administrativement, l’un en rivière d’Auray et l’autre au sud-est du Golfe, appelé gisement du Golfe du Morbihan ou gisement de Sarzeau, classé administrativement par l’arrêté préfectoral 65/91 du 12 avril 1991. Un troisième gisement de palourdes, dit de gisement de Kerpenhir-Locmariaquer, est ouvert à la pêche toute l’année, mais celle-ci est principalement pratiquée par les pêcheurs plaisanciers.

 

Le gisement du golfe du Morbihan, le plus conséquent, est divisé en dix zones. Des secteurs distincts sont réservés aux pêcheurs à pied et aux dragueurs depuis 1998. La pêche à la drague est uniquement autorisée dans la zone de drague du banc de Truscat du gisement du golfe du Morbihan. Les autres zones sont réservées à la pêche à pied. À l’intérieur du gisement, des Zones de protection des herbiers de zostères et des Zones de protection spéciales (ZPS) pour les oiseaux ont été aménagées à partir de 1991. Sur ces zones, la pêche est interdite mais l’une d’entre elles, la zone « Ouest-Tascon » a été temporairement ouverte à la pêche à titre dérogatoire à plusieurs reprises. La pêche en plongée est pratiquée entre juin et septembre, principalement dans les zones de pêche à pied du banc de Truscat. Pendant les périodes automnales et hivernales, les pêcheurs à pied à l’année pratiquent la pêche de palourdes en rivière d’Auray, entre janvier et mars et en rivière de Noyalo, entre octobre et décembre et également en avril.

 

La pêche des palourdes en petite mer de Gâvres est fermée depuis 2010 (hors territoire du PNR).

 

La présente fiche se concentre sur la pêche à la palourde dans le golfe du Morbihan, mais cette activité se pratique aussi dans d’autres zones du département du Morbihan, en rivière d’Étel et à Pénestin. Le sud de la Bretagne joue d’ailleurs un rôle important dans la production de palourdes.

 

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger
Des pêcheurs professionnels à pied exercent également en baie du Mont Saint-Michel, en rivière de Pont-l’Abbé, sur la rade de Brest, sur le littoral des Côtes d’Armor, en Ille-et-Vilaine, dans la baie de Bourgneuf, sur la côte ouest du Cotentin, sur le bassin d’Arcachon et en Méditerranée, sur l’étang de Thau. La pêche de palourdes à la drague, « spécialité des ports normano-bretons […] et de quelques quartiers méditerranéens » [Chaussade et Corlay, 1988] en France, est aussi pratiquée en Italie.

La palourde est un coquillage fouisseur vivant enfoui dans les fonds sablo-vaseux. Deux espèces autochtones de palourdes, Venerupis decussata et Venerupis pullastra, sont présentes mais peu abondantes dans le golfe du Morbihan ; une troisième espèce, dite « japonaise », Venerupis philippinarum, issue d’élevage, est arrivée dans le golfe dans les années 1970 [Péronnet, Talidec et Daures, 2003].

 

Les techniques de pêche à la palourde
Dans le golfe du Morbihan, la pêche à la palourde est pratiquée depuis les années 1990 par des pêcheurs professionnels, au départ uniquement à pied puis à la drague dès 1991. La pêche à la main étant plus pratiquée que la pêche à la drague. Ces activités sont aujourd’hui réglementées et encadrées. La pêche de palourdes est autorisée pour une seule marée par jour, la plus longue et est interdite les samedis, dimanches et jours fériés.

 

La pêche à pied
Sous le terme de « pêche à pied » sont englobées la pêche à la main dans les vasières et la pêche en plongée. Or, il s’agit de deux pratiques différentes ne mettant pas en œuvre les mêmes postures.

 

– La pêche à la main dans les vasières
La pêche à pied au sens strict se pratique à marée basse sur le sable ou dans les vasières. Elle est autorisée dans les secteurs réservés à la pêche à pied, tous les jours du 1 er mai au 30 avril de l’année suivante, à l’exception du week-end et des jours fériés. À partir du mois de mai, des zones sont ouvertes à la pêche par rotation, suivant un calendrier fixé par une décision du Comité régional des Pêches maritimes et des Élevages marins (CRPMEM). La durée de pêche, définie par le CRPMEM, varie en fonction des zones de pêche. Sur le banc de Truscat, la pêche est par exemple autorisée deux heures avant et deux heures après la basse mer. Sur les vasières, la durée de pêche autorisée est de 5 heures, 2 heures et demi avant et 2 heures et demi après la basse mer. Les pêcheurs ont donc 4 ou 5 heures de pêche effective, mais comptent un temps supplémentaire pour s’équiper et se rendre sur la zone de pêche.

 

Le pêcheur à pied peut pratiquer une pêche sélective en pêchant « au trou » ou « à la marque : il repère alors les palourdes par les empreintes laissées dans la vase par leurs siphons, il les pêche ainsi une à une. Cette technique ne peut être utilisée que si les conditions météorologiques sont bonnes. La technique la plus courante employée par les pêcheurs est de gratter le fond avec leurs mains pour trouver les palourdes, ce qu’ils appellent « pêcher à la patouille » [entretien téléphonique avec Alain Lavacherie, 4 août 2015] ou « pêcher à la gratte ». Le pêcheur ratisse ainsi le sol à des profondeurs différentes en fonction du climat, de la température et des coefficients de marée. Les techniques de pêche à pied au sens strict ont peu évolué depuis l’apparition de la pratique.

 

– La pêche en plongée
Dans le golfe du Morbihan, la pêche en plongée s’effectue dans des amplitudes de 4 heures, 2 heures avant la marée basse et 2 heures après celle-ci. Elle se pratique entre avril et décembre suivant un calendrier fixé par une décision du CRPMEM et selon une rotation des zones de pêche.
François Lelong, pêcheur à pied professionnel dans le golfe, pratiquant la pêche en plongée, indique que les pêcheurs à pied ont tous des techniques spécifiques et des styles de pêche différents [entretien avec François Lelong, 27 mai 2015]. On peut tout de même dégager quelques tendances. Le pêcheur arrivé sur le lieu de pêche en bateau, le laisse s’échouer, attend que l’eau descende et pêche à proximité de celui-ci. Lorsque l’eau est claire, il pêche « au trou » comme le fait un pêcheur à pied. S’il n’a pas de visibilité, il gratte le fond avec ses mains. Les techniques de pêche en plongée ont peu évolué, on note tout de même quelques améliorations au fil du temps. Les premiers pêcheurs en plongée ont commencé à pêcher sans annexe mais avec des chambres à air gonflées, le tuba a quant à lui été rallongé petit à petit. La grille de tri a également été mise au point après plusieurs essais.

 

La pêche à la drague
La pêche à la drague est autorisée suivant un calendrier et des horaires fixés par une décision du CRPMEM. En 2015, la pêche de palourdes à la drague a été autorisée seize jours entre les mois de mai et de juin. Seuls les pêcheurs embarqués possédant un navire de longueur hors-tout inférieure à 12 m et de puissance motrice inférieure à 200 kW sont autorisés à pratiquer la pêche. Une seule drague est autorisée par navire, la pêche doit s’effectuer entre le lever et le coucher du soleil suivant les horaires imposés et par un coefficient de marée supérieur à 70. Deux hommes doivent être présents sur le bateau. La pêche se pratique pendant la semaine de grande marée, le soir ou le matin en fonction des marées. Une pêche de palourde à la drague dure environ 2 h 30, une heure avant la pleine mer et une heure et demi après celle-ci.

 

Ce sont les dragueurs du Golfe qui, avec un ancien pêcheur de « rigado », appellation locale de la coque, Gilles Lautram, ont mis au point leurs techniques de pêche de palourdes à la drague. Ils se sont en effet inspirés des techniques des pêcheurs embarqués de coques en rivière de la Vilaine ayant une expérience de pêche dans la vase. La drague à rigado a été aménagée et adaptée pour la pêche à la palourde, les mailles ont été remplacées par des barres mais le volet et les dents de 5 cm ont été conservés. Cette technique a été instaurée au début des années 1990 et n’a pas évolué. Les pêcheurs la qualifiant de « bonne », elle n’évoluera plus selon eux. Au cours de la pêche, la drague est jetée à l’eau et traînée derrière le bateau pendant quelques minutes. Elle est ensuite remontée, suspendue à l’armature et vidée sur la table de tri. Les individus trop petits doivent être relâchés sur le lieu de pêche. Les palourdes sont ensuite lavées au moyen de la pompe de lavage présente sur le bateau.

 

La commercialisation du produit de la pêche
Après la pêche, les pêcheurs à pied comme les pêcheurs en plongée doivent trier les palourdes sur le lieu de pêche et relâcher les palourdes de taille non réglementaire en les éparpillant. Ils sont tenus d’acheminer directement le produit de leur pêche vers les pontons des acheteurs ou les points de déchargement identifiés par le CRPMEM. Certains grossistes se déplacent sur les points de déchargement à partir du mois de juin, mais en période hivernale, les pêcheurs se rendent eux- mêmes chez les acheteurs.
Après le tri des palourdes, les pêcheurs à la drague doivent directement vendre le produit de leur pêche aux mareyeurs ou grossistes sur le lieu de pêche ou sur les lieux de débarquement identifiés par l’arrêté préfectoral 91-960 du 12 novembre 1991.

 

La vénériculture
L’élevage de la palourde ou vénériculture est une pratique associée à la pêche à la palourde. Celle-ci se développe dans les années 1980 à la suite des travaux du Centre national pour l’Exploitation des océans (CNEXO) et de l’Institut scientifique et technique des Pêches maritimes (ISTPM) sur la palourde japonaise. La palourde japonaise a été introduite en France dans les années 1970. À cette période, des tests d’élevages sont conduits dans le golfe du Morbihan [Latrouite et Pérodou, 1979]. Ceux-ci étant encourageants, dans les années 1985, des éleveurs se sont installés en tant que vénériculteurs, notamment sur l’île d’Arz et à Locmariaquer [entretien avec Alain Lavacherie, 4 août 2015]. La vénériculture est aujourd’hui beaucoup moins pratiquée, des entreprises ont disparu ou se sont reconverties dans le négoce. La Société atlantique de mariculture (SATMAR) élève toujours des palourdes à Saint-Philibert. Dans leur majeure partie, les parcs à palourdes actuels du golfe du Morbihan associent les palourdes à des huîtres ou à d’autres coquillages. La vénériculture relevant d’un autre type de savoir-faire que la pêche de palourdes n’est que peu abordée dans la présente fiche.

Matériel et équipement de la pêche à pied
Le pêcheur à la main au sens strict se rend sur le lieu de pêche à pied ou en bateau qu’il laisse ensuite s’échouer sur la vasière. L’équipement du pêcheur et le matériel utilisé varient en fonction des zones de pêche et des pêcheurs mais, quelle que soit la zone de pêche, ces derniers ont besoin de plusieurs paires de gants de bonne qualité et de sacs pour mettre les palourdes. L’utilisation d’outils ravageurs est interdite, le pêcheur ne peut se servir que de ses mains ou d’un couteau à palourdes. Il est tenu d’avoir une grille de calibrage avec des trous de 26 mm qu’il fabrique généralement pour trier les palourdes afin de ne conserver que celles qui sont commercialisables. L’utilisation de tout autre moyen de tri est interdite. La taille officielle de première commercialisation de la palourde est de 35 mm. Dans les vasières, les pêcheurs pêchent à sec, ils sont vêtus de « waders » (pantalons de pêche étanches), portent des gants et doivent obligatoirement porter des sabots-planches – des plaques de bois ou d’aluminium s’attachant au pied, pour éviter de s’enfoncer dans la vase -, sur les zones découvertes des gisements classés. Ils utilisent un panier pour déposer les palourdes. Dans les autres zones, comme sur le banc de Truscat, le port d’une combinaison de plongée et d’une sur-combinaison est nécessaire. Le pêcheur attache également un filet ou « bachi » autour de son cou pour y mettre les palourdes. Il traîne généralement tout au long de la pêche, une demie planche à voile sur laquelle sont posées des mannes, paniers en plastique ajourés servant à stocker les palourdes. Il vide ainsi le produit de sa pêche dans les mannes lorsque son filet est plein.

 

Matériel et équipement de la pêche en plongée
Les pêcheurs en plongée se rendent sur le lieu de pêche en bateau qu’ils laissent ensuite s’échouer sur la vasière ou à pied, en avançant dans l’eau. Ils sont vêtus d’une combinaison de plongée et portent des gants en plastique de bonne qualité. Leur équipement est également composé d’un tuba modifié leur permettant de respirer en continu. Celui-ci est rallongé avec un tuyau en PVC (acheté dans un magasin de bricolage), sa longueur peut atteindre un mètre au maximum. Le tuba le plus pratique pour les pêcheurs en plongée est un tuba à double purge avec une partie rigide, certains utilisent un tuba à purge simple en l’entourant de fil de fer pour le rigidifier. Certains pêcheurs pêchent en apnée, avec un tuba non modifié. Les pêcheurs en plongée attachent un filet autour de leur cou, qu’ils appellent la « couille » et portent des chaussons de plongée. Ils utilisent également une ceinture de plomb et un baudrier de plomb pour travailler collés au fond, ils ne peuvent toutefois excéder un mètre de profondeur en plongée. Ils tirent une annexe, attachée à leur taille, sur laquelle sont posées des mannes. Le pêcheur dépose les palourdes dans son filet, qu’il vide lorsque celui-ci est plein dans les mannes. Il est tenu, comme les pêcheurs à pied au sens strict, d’avoir un bac de tri avec des trous de 26 mm pour trier les palourdes.

 

Matériel et équipement de la pêche à la drague
Pour pratiquer la pêche à la drague, le pêcheur doit avoir un bateau équipé en 3 e catégorie, avec un treuil accouplé au moteur, des câbles, une armature et une drague. La drague est l’équipement principal du pêcheur de palourdes à la drague, elle fait partie des engins de pêche appelés « arts traînants ». Il s’agit d’un panier à armature métallique muni dans sa partie inférieure de dents permettant de racler le fond. Celle-ci est tractée par le bateau afin de pêcher les coquillages enfouis. Les dragues des pêcheurs du golfe sont fabriquées par un artisan de Férel. Elles sont réglementées : leur largeur maximale ne peut excéder un mètre, la longueur maximale des dents doit être de 5 cm, les barres doivent être espacées de 17,5 mm et le maillage minimum des parties grillagées doit être de 24 mm. Depuis 2002, chaque dragueur doit être muni d’une grille de tri spécifique pour trier les palourdes de taille non réglementaire. Les barres de cette grille doivent être espacées de 17 mm. Sur le bateau, une pompe de lavage fonctionnant à l’eau de mer doit également être présente afin de laver les coquillages pêchés.

La pêche à pied
La transmission des savoir-faire et techniques s’effectue principalement de manière orale entre les pêcheurs. Les pêcheurs rencontrés n’ont pas bénéficié d’une transmission intergénérationnelle, l’apprentissage des techniques a plutôt été guidé par une démarche personnelle. Pour une grande part, les pêcheurs à pied n’est pas originaire de la région : ils ont ainsi appris les techniques en observant les autres pêcheurs, en prenant conseil auprès des plus expérimentés et en imitant leurs gestes. Ils ont généralement été introduits par d’autres professionnels avant de commencer leur activité. L’apprentissage s’effectue ainsi au fur et à mesure, en pratiquant et en s’exerçant. Selon les témoins rencontrés, cette phase d’apprentissage est longue et difficile ; il faut du temps pour que la pêche devienne lucrative. Ils indiquent également qu’il est difficile de transmettre les techniques de pêche à pied, pratique instinctive, intuitive et sensorielle difficile à expliquer, hormis pour les techniques de bases, comme le repérage des palourdes. Depuis 2014, dans le cadre de la pêche à pied exercée à titre professionnel, une formation est obligatoire dans les deux ans qui suivent l’obtention du permis de pêche. Au cours de cette formation sont dispensés des enseignements théoriques concernant la législation et la culture générale de la pêche de palourdes. La formation a également un volet semi-scientifique et une partie pratique.

 

La pêche à la drague
Les dragueurs de palourdes ont bénéficié des conseils, de l’expérience et de la transmission de techniques des pêcheurs de coques exerçant en rivière de Vilaine. Le nombre de pêcheurs professionnels actifs baisse d’année en année, menaçant la transmission des techniques et savoir-faire de la pêche à la palourde. La transmission au sein de la pêche à la drague est d’autant plus menacée qu’elle n’est plus pratiquée sur le territoire que par trois bateaux.

La pêche à pied, une pratique artisanale ancestrale
La pêche à pied de coquillages est une pratique ancestrale dans le golfe du Morbihan. Il s’agit au départ d’une pêche artisanale permettant aux familles de se nourrir et de compléter leurs revenus [Bertheau, 2007]. Cette tâche est réservée aux femmes et aux enfants. Les palourdes pêchées sont, jusqu’à l’arrivée de la palourde japonaise, exclusivement européennes.

 

L’exploitation intensive de la palourde japonaise
Le développement spectaculaire de la palourde japonaise dans le golfe du Morbihan a entraîné son exploitation intensive à la fin des années 1980, celle-ci est alors peu encadrée et n’est pas réglementée [Péronnet, Talidec et Daures, 2003]. Lorsque le banc de palourdes commence à être connu, des locaux et des vacanciers viennent ramasser, à la main, la palourde, très abondante [Bodet, 2013 (documentaire)]. À l’arrivée de la palourde japonaise dans le golfe du Morbihan, seuls les pêcheurs à pied pêchent la palourde, la pêche en plongée semble avoir commencé un peu plus tard dans les années 1990 [entretien avec Fred Mengual, 3 juin 2015].

 

L’apparition d’un nouveau métier
La pratique de la pêche à pied se professionnalise progressivement à partir de 1991, les pêcheurs souhaitant que leur activité soit reconnue comme professionnelle [Vernizeau, 2006]. Mais ils ne sont pour la plupart ni marins, ni conchyliculteurs. Un statut « bivalve » a ainsi été mis en place en 1991 afin de mettre fin aux pratiques irrégulières. Un arrêté du préfet de Région, le 29 avril 1991, autorise et précise les conditions de pêche à la palourde dans le département du Morbihan. Il régularise le statut de pêcheur à la main en officialisant la nouvelle profession. La réglementation de la pêche de palourdes est progressivement mise en place, les premières autorisations de pêche sont délivrées en 1991, des licences limitatives sont mises en places, des périodes de pêche sont fixées et des zones de pêche délimitées. Les pêcheurs à pied doivent désormais s’affilier à un régime de sécurité sociale pour obtenir une autorisation de pêche et peuvent se rattacher à l’ENIM ou s’affilier à la MSA. L’encadrement de l’activité se développe donc progressivement au cours des années 1990. Les pêcheurs à pied n’ont pu acquérir un véritable statut social et professionnel qu’en 2001, avec le décret n° 2001-426 du 11 mai 2001, complété par un arrêté ministériel du 11 juin 2001 et une circulaire d’application du 11 novembre 2001.

 

La pêche de palourdes à la drague a débuté en 1991 dans le golfe, mais était déjà pratiquée en Italie. En 1991, les pêcheurs embarqués obtiennent l’autorisation de pêcher à la drague sur les bancs de Truscat et la rivière de Noyalo [Péronnet, Talidec et Daures, 2003].

 

Le déclin de la pêche de palourdes
Après une période d’abondance, un « âge d’or » [Bodet, 2013 (documentaire)] de la pêche à la palourde dans les années 1990, un déclin s’amorce en 2000 [entretien avec Céline d’Hardivillé, 17 mai 2015]. Cela a eu pour conséquence de provoquer un déclin du nombre de pêcheurs professionnels [Anonyme 1, 2015]. On comptait au départ environ 400 pêcheurs à pied professionnels ; ils ne sont aujourd’hui plus que 150 [entretien avec Fred Mengual, 3 juin 2015]. Du côté des dragueurs de palourdes, les chiffres ont aussi baissé, la drague à palourdes n’est plus pratiquée que par trois bateaux, alors qu’elle l’a été par une quarantaine d’embarcations [entretien avec Thierry Jacob, 15 juin 2015].

La palourde est une ressource variable et fragile souffrant du climat, de l’attaque de prédateurs et de la dégradation de la qualité de l’eau. La ressource connaît un épuisement depuis 2000. Les pêcheurs professionnels constatent en effet une baisse considérable de la biomasse et donc de la production depuis cette période mais indiquent qu’il y a tout de même eu quelques bonnes années dans la décennie [entretien avec François Lelong, 27 mai 2015]. Leurs rendements diminuent également, ceci est lié à cet épuisement de la ressource mais également à la crise économique qui a fait ralentir le marché espagnol, principal acheteur des palourdes [entretien avec Fred Mengual, 3 juin 2015]. Le prix de la palourde au kg a également chuté.

Le nombre de pêcheurs professionnels baisse d’année en année mettant en cause la pérennité du métier de pêcheur de palourdes. La pêche de palourdes à la drague est en effet en péril, elle n’est plus pratiquée que par trois bateaux dans le golfe. Quant à la pêche à pied, certains témoins rencontrés indiquent que l’activité professionnelle risque de ne pas pouvoir persister si la production ne repart pas [entretien avec Fred Mengual, 3 juin 2015].

Modes de sauvegarde et de valorisation

Les actions des institutions. — Les institutions nationales et locales en lien avec la pêche s’interrogent sur cette menace d’extinction de la pratique professionnelle de la pêche de palourdes. Depuis 2001, l’Institut français de recherches pour l’exploitation de la mer (IFREMER) et le Comité départemental des Pêches maritimes et des Élevages marins effectuent ainsi une campagne d’évaluation annuelle du stock de palourdes pour déterminer la biomasse exploitable et réaliser un diagnostic de l’état du stock. Le Comité départemental des Pêches maritimes et des Élevages marins a également conçu un programme de relance de la pêche à pied en effectuant, en octobre 2014 et en avril 2015, des réensemencements de palourdes dans le golfe, sur le banc de Truscat.

 

Les initiatives des pêcheurs. — Différentes actions de valorisation du métier de pêcheur de palourdes à pied ont été réalisées à l’initiative des pêcheurs eux-mêmes. Olivier Legangneux, pêcheur à pied, accompagné d’un petit groupe d’autres pêcheurs a créé, dans les années 2000, l’Association des pêcheurs à pied professionnels du Golfe du Morbihan (A3PGM), qui est désormais en sommeil. Le but de leurs actions a été de faire découvrir la palourde et le métier de pêcheur à pied afin de le conserver. Ils ont organisé, dans ce cadre, à deux reprises à Saint-Armel, des fêtes estivales de la palourde, où le matériel de pêche à pied a été présenté ; différentes recettes de palourdes ont été proposées à la dégustation ; une conférence sur la qualité de l’eau a été organisée, en partenariat avec l’association CAP 2000. Des concerts ont eu lieu, des jeux ont été proposés, les membres de l’association ont aussi montré des photographies de pêche sous-marine. Ces fêtes ont reçu un accueil favorable, les visiteurs ont découvert une pratique et un produit qu’ils connaissaient peu ou ignoraient. Un championnat du monde de course en sabots-planches a également été organisé à deux reprises par l’association.

 

Olivier Legangneux a trouvé une alternative à la pêche en devenant ostréiculteur. Il a créé « Le Chantier » en janvier 2013, à Pencadénic, face à la rivière de Pénerf, afin de valoriser et de faire connaître son métier de pêcheur à pied [http://www.morbihan.com/le-tour-du-parc/le- chantier/tabid/1564/offreid/f75f0edc-0fe0-4a54-89e4-2c0491122fed]. Pour valoriser au mieux la palourde et l’huître, il a ainsi aménagé une paillotte, où il les propose à la vente et à la dégustation sur place d’avril à septembre. D’autres ostréiculteurs du territoire proposent également des dégustations de palourdes.

 

Actions de valorisation à signaler

Le rôle des médias. — Le métier de pêcheur de palourdes à pied commence à se faire connaître à la fin des années 1990. Depuis, plusieurs reportages sur la pêche à pied professionnelle de palourdes en Bretagne ont été réalisés puis diffusés, dans l’émission Thalassa par exemple. Les pêcheurs du golfe ont été sollicités à plusieurs reprises pour y participer.

La pêche à pied, notamment de palourdes, est considérée comme une pratique traditionnelle emblématique de la Bretagne. Selon Guy Prigent, « la pêche à pied fait partie de la culture maritime du littoral breton » [Prigent, 1999]. La pêche à pied de loisir est d’ailleurs très pratiquée dans le golfe du Morbihan, par les habitants mais également par les vacanciers. Dans les années 1990, le nouveau métier de pêcheur à pied est peu connu des habitants du golfe du Morbihan. Son émergence faisant suite à une exploitation intensive peu réglementée du banc de palourde, l’image de la profession est à cette époque plutôt négative, mais la situation s’est aujourd’hui améliorée. Les pêcheurs professionnels rencontrés déclarent tour à tour que cette pratique est aujourd’hui « dans les mœurs, […] fait partie du paysage », que cela « correspond à une image traditionnelle du golfe », qu’il s’agit d’une pratique « caractéristique » du territoire.

 

La pêche de palourdes à la drague est une pratique plus récente, considérée comme moins emblématique et semble d’ailleurs moins connue sur le territoire que la pêche à pied.

 

Les témoins interviewés constatent que la palourde est peu connue en France. Certains Bretons ignorent même qu’elle est présente dans le golfe.

Bibliographie sommaire

Anonyme 1, « La palourde, à pied ou à la drague », Ouest France : Golfe du Morbihan. Un pays de lumière, hors série, avril 2015, p. 63.
Anonyme 2, « La pêche à pied de loisir : quelques pratiques à respecter », Ouest France : Golfe du Morbihan. Un pays de lumière, hors série, avril 2015, p. 49.
BERTHEAU (Georges), Il y a un siècle, les petits métiers de la mer, Rennes, Éditions Ouest- France, 2007, 143 p.
BOUCHÉ (Ludovic) et HARDIVILLÉ (Céline d’), Campagne d’évaluation du stock de palourdes du Golfe du Morbihan (25, 27, 28 et 30 mars 2015), 2015, 54 p.
CHAUSSADE (Jean) et CORLAY (Jean-Pierre), Atlas des pêches et des cultures marines en France, Montpellier, Reclus, 1988, 104 p.
HERRY (Juliette) et PASCO (Ronan), Diagnostic de la pêche professionnelle embarquée dans le golfe du Morbihan en 2012, Parc naturel régional du Golfe du Morbihan, 2014, 40 p.
LATROUITE (Daniel) et PERODOU (Dominique), Bilan des essais d’élevage de la palourde sur le littoral morbihannais, Institut scientifique des Techniques des pêches maritimes, décembre 1979.
LESUEUR (Marie), Contribution à l’évaluation des interactions entre les usages halieutiques : le cas du gisement classé de Sarzeau (golfe du Morbihan), mémoire de fin d’études en Agronomie approfondie, spécialisation Halieutique, Rennes, Ecole supérieure agronomique, 2002, 59 p. ; en ligne (consulté le 6 mai 2015) : http://halieutique.agrocampus-ouest.fr/pdf/92.pdf
PERONNET (Isabelle), TALIDEC (Catherine) et DAURES (Fabienne), Étude des activités de pêche dans le Golfe du Morbihan, pêche professionnelle, 2003, 75 p., en ligne (consulté le 5 mai 2015) : http://archimer.ifremer.fr/doc/2003/rapport-2265.pdf
PRIGENT (Guy), Pêche à pied et usages de l’estran, Saint-Brieuc, Éditions Apogée/Musée d’art et d’histoire de Saint-Brieuc, 1999, p. 5.
VERNIZEAU (Diane), La Pêche à pied : enjeux et perspectives à la lumière de la réglementation actuelle, rapport de stage, Master 1 droit public mention « Droit et administration des collectivités territoriales », Lorient, 2006.

 

Filmographie sommaire
Ne meurent que ceux que l’on n’oublie, réal. : Jean Richard, 2011, 1 h 14.
L’Abondance, réal. : Pascale Bodet, prod. : Hippolyte Films, 2013, 72 min.

 

Plusieurs entretiens ont été réalisés auprès de pêcheurs professionnels afin de recueillir des informations sur les techniques de pêche et l’historique du métier. Pour certains, l’entretien a eu lieu sur le lieu de pêche, au cours de celle-ci. Fred Mengual, pêcheur en plongée, Isabelle Margne, pêcheuse à la main, François Lelong, pêcheur à la main et en plongée, Olivier Legangneux, pêcheur en plongée et ostréiculteur, et Thierry Jacob, pêcheur à la drague, ont ainsi été interviewés.

Des témoignages ont été recueillis auprès de Jean Richard, ancien pêcheur et ostréiculteur, et de Roger Mahéo, ancien maître de conférence à l’université de Rennes 1, à propos de l’historique de la pêche à la palourde.

Alain Lavacherie, technicien aquacole de la Société atlantique de mariculture à Saint-Philibert, a apporté un éclairage sur l’élevage et la commercialisation des palourdes.

La réglementation de la pêche professionnelle sur le territoire a été abordée grâce aux informations et à la documentation transmises par Céline d’Hardivillé, chargée de mission Système d’information Pêche et Gestion des stocks au Comité départemental des Pêches et des Élevages marins du Golfe du Morbihan.

Des échanges autour de la pêche embarquée ont été conduits avec Ronan Pasco, chargé de mission Mer et Littoral et responsable du pôle Mer et Littoral au Parc naturel régional du Golfe du Morbihan, et avec Juliette Herry, chargée de mission GIZC et Climat au Parc naturel régional du Golfe du Morbihan.

Rédacteur(s) de la fiche
Carmen LACOMBE, stagiaire du Master 2 professionnel Patrimoine de l’université Toulouse II-Le Mirail auprès du Parc naturel régional du Golfe du Morbihan
La réalisation de cette fiche s’inscrit dans le cadre d’un travail d’inventaire des métiers et savoir- faire traditionnels du golfe du Morbihan, porté par le Syndicat intercommunal d’aménagement du golfe du Morbihan et lauréat de l’appel à projets 2013 du ministère de la Culture pour l’enrichissement de l’Inventaire national du Patrimoine culturel immatériel.

 

Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l’éventuel comité scientifique instauré
Carmen LACOMBE, stagiaire du Master 2 professionnel Patrimoine de l’université Toulouse II-Le Mirail auprès du Parc naturel régional du Golfe du Morbihan

 

Lieux(x) et date/période de l’enquête
Golfe du Morbihan, 2014-2015

 

Données d’enregistrement

Date de remise de la fiche : septembre 2015
Année d’inclusion à l’inventaire : 2019
N° de la fiche : 2019_67717_INV_PCI_FRANCE_00436
Identifiant ARKH : ark:/67717/nvhdhrrvswvk2m2