Broderie et dentelle sont intimement liées en Bretagne car de nombreux ouvrages mêlent les deux savoir-faire et certains types de broderie imitent la dentelle à s’y méprendre. La broderie est une technique d’ornementation textile réalisée principalement à l’aiguille, parfois au crochet, qui permet d’exécuter des motifs et des images au moyen de fils, perles, paillettes et apprêts métalliques. Elle se pratique généralement sur un support textile (tissu, tulle, filet…) mais peut également être réalisée sur du cuir, du carton ou du papier. La dentelle, en revanche, est réalisée sans support préalable.

Ces savoir-faire s’inscrivent dans une histoire très longue commencée à la fin du Moyen Âge, à l’origine d’un patrimoine riche et complexe. Suite à la mobilisation de passionné∙e∙s, les techniques sont désormais préservées et leur transmission assurée par le biais de cours et de stages. Broderie et dentelle bénéficient aujourd’hui d’un regain d’intérêt et le nombre d’apprenants est en constante augmentation. En parallèle de cette pratique de loisir, quelques personnes développent une activité professionnelle dans ce domaine. Les savoir-faire de la broderie et de la dentelle sont toujours utilisés pour l’embellissement des ornements liturgiques et des vêtements, qu’il s’agisse de costumes bretons ou de tenues modernes destinées à la vie quotidienne ou aux événements exceptionnels. Broderie et dentelle s’adaptent aux goûts actuels dans les objets du quotidien, les accessoires de mode, la haute couture, le design et l’art contemporain.

La pratique de la broderie et de la dentelle en Bretagne est aujourd’hui protéiforme, et va des ateliers hebdomadaires de passionné∙e∙s dans des salles communales aux défilés de mode lors de grands événements comme le Festival de Cornouaille de Quimper (Finistère) ou le Festival Interceltique de Lorient (Morbihan).

 

On peut distinguer deux types de pratique : d’une part, une pratique de loisir, qui concerne à la fois les personnes en cours d’apprentissage et les brodeur∙se∙s et dentellièr∙e∙s expérimenté∙e∙s qui ne vivent pas de leur art ; d’autre part, une pratique professionnelle permettant de dégager un revenu. Beaucoup de brodeur∙se∙s et dentellièr∙e∙s confirmé∙e∙s font le choix de réserver cette activité à leur temps libre, soit parce qu’ils et elles souhaitent qu’elle reste un plaisir, soit par crainte de ne pas pouvoir en vivre, voire pour les deux raisons à la fois.

 

De rares brodeur∙se∙s main font aujourd’hui de la broderie et/ou de son enseignement un métier à temps complet, en tant que chefs d’entreprise, salarié∙e∙s, artistes-auteur∙e∙s ou micro- entrepreneur∙se∙s. Parmi les micro-entrepreneur∙se∙s à temps complet, certain∙e∙s sont retraité∙e∙s d’un autre domaine et ne sont pas soumis∙e∙s à la même pression de rentabilité que les personnes dont il s’agit de la première activité.

 

Deux entreprises finistériennes salarient des brodeur∙se∙s : l’École de broderie d’art de Pascal Jaouen, à Quimper (Finistère), et la maison Le Minor, à Pont-l’Abbé (Finistère). L’École de broderie d’art de Pascal Jaouen emploie onze salarié∙e∙s ; ses huit brodeur∙se∙s (sans compter Pascal Jaouen) y sont employé∙e∙s en tant qu’enseignant∙e∙s de broderie, à temps plein ou partiel. Il s’agit à ce jour de la seule école consacrée à l’enseignement de la broderie en Bretagne. Quant à la maison Le Minor, qui a été un acteur central du maintien du savoir-faire de la broderie en pays bigouden (Finistère sud), elle emploie actuellement une brodeuse main [Ill. 1] et une brodeuse à la machine Cornely (machine à broder guidée à la main) [Ill. 2 & 3](1).

 

D’autres personnes exercent le métier de brodeur∙se à temps partiel en parallèle d’un emploi salarié dans un tout autre domaine, souvent par le biais d’une micro-entreprise.

 

Par ailleurs, une activité de broderie subsiste au sein de rares communautés religieuses, notamment au monastère Notre-Dame de Beaufort à Plerguer (Ille-et-Vilaine), où quelques moniales dominicaines brodent des ornements liturgiques sur commande (chasubles, étoles, nappes d’autel, voiles d’ambon), également vendus dans la boutique de l’abbaye pour les visiteurs de passage [Ill. 4]. Au Carmel de Nantes (Loire-Atlantique), une sœur réalise encore ponctuellement quelques étoles brodées, mais l’activité a nettement décliné car la broderie est moins recherchée qu’autrefois. Chez les Clarisses de Nantes, une sœur brode également des ornements liturgiques (étoles, nappes d’autel, voiles d’ambon), mais va néanmoins devoir arrêter son activité prochainement en raison d’une charge de travail trop importante.

 

Au sein du milieu associatif, les principaux acteurs de la broderie et de la dentelle sont les associations de culture bretonne et les cercles celtiques (associations d’arts et de traditions populaires : danse, musique, broderie…), leurs fédérations départementales et, jusqu’à 2020, leurs anciennes confédérations Kendalc’h et War ’l Leur, réunies depuis sous le nom de Kenleur. En-dehors du milieu culturel breton, diverses associations locales proposent également des cours de broderie et de dentelle de tous types (voir II.2).

 

Broderie et dentelle sont actuellement pratiquées par des personnes de tous les âges, avec une forte représentation des retraité∙e∙s. Les cours, ateliers et stages accueillent à la fois des adultes, des enfants et des adolescents, même si ces derniers sont globalement peu nombreux. Les enfants peuvent bénéficier d’ateliers spécifiques au sein des cercles celtiques ainsi que d’initiations dans certaines écoles, proposées par quelques brodeur∙se∙s indépendant∙e∙s (voir II.1 & II.2). La fréquentation de l’École de broderie d’art de Pascal Jaouen a connu une évolution notable ces dernières années : le public, initialement divisé en deux catégories, les enfants et les retraité∙e∙s, compte depuis quelques années de plus en plus de trentenaires et de quarantenaires. La pratique est aujourd’hui majoritairement féminine dans les cours, ateliers et stages ; en revanche, l’écart tend à se combler légèrement parmi les professionnel∙le∙s.

 

Les associations de loisirs généralistes et l’École de broderie d’art touchent un autre public que les ateliers et les stages des cercles celtiques et des fédérations : il arrive en effet que certaines personnes s’y inscrivent sans affinité particulière pour le patrimoine culturel breton mais simplement par intérêt pour le savoir-faire lui-même et par envie de broder.

Lieu(x) de la pratique en France

La Bretagne historique (départements des Côtes-d’Armor, du Finistère, d’Ille-et-Vilaine, de Loire- Atlantique et du Morbihan). Les différents styles bretons sont également enseignés dans le reste de la France, notamment dans certaines grandes villes.

 

Pratiques similaires en France
Les pratiques suivantes, données à titre d’exemple, sont répertoriées à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel :
● Les savoir-faire du point de Lunéville et de la broderie perlée et pailletée ;
● Le boutis ou broderie de Marseille (Bouches-du-Rhône) ;
● La dentelle au fuseau du Puy-en-Velay (Haute-Loire) ;
● Le savoir-faire de la dentelle au point d’Alençon (également inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2010).

 

Pratiques similaires à l’étranger
Les pratiques suivantes, données à titre d’exemple, sont inscrites sur les listes instaurées par la Convention de 2003 de l’Unesco pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel :
● L’artisanat de l’ak-kalpak, connaissances et savoir-faire traditionnels liés à la fabrication et au port du chapeau masculin kirghiz, Kirghizistan (chapeau brodé) [Liste représentative, 2019] ;
● Le complexe culturel du bumba-meu-boi du Maranhão, Brésil (broderie sur cuir et broderie de costumes dans le cadre d’une pratique rituelle) [Liste représentative, 2019] ;
● Le chakan, art de la broderie en République du Tadjikistan (broderie sur coton et soie sur les vêtements et le linge de maison) [Liste représentative, 2018] ;
● La broderie de Zmijanje, Bosnie-Herzégovine (broderie au fil bleu foncé sur les vêtements et le linge de maison) [Liste représentative, 2014] ;
● L’art populaire des Matyó, la broderie d’une communauté traditionnelle, Hongrie (broderie florale sur les costumes, vêtements et objets) [Liste représentative, 2012] ;
● Les techniques textiles traditionnelles des Li : filage, teinture, tissage et broderie, Chine (broderie sur les vêtements et objets usuels) [Liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente, 2009] ;
● L’espace culturel de Kihnu, Estonie (broderie sur les vêtements) [Liste représentative, 2008] ;
● La dentellerie aux fuseaux en Slovénie (dentelle destinée aux vêtements, accessoires de mode, linge de maison, ornements liturgiques…) [Liste représentative, 2018] ;
● La dentelle de Lefkara ou Lefkaritika, Chypre (dentelle sur du linge de maison et des pièces d’exposition) [Liste représentative, 2009] ;
● La dentellerie en Croatie (dentelle à l’aiguille et aux fuseaux, en fil d’aloès) [Liste représentative, 2009].

 

Il existe bien d’autres techniques en France et à l’étranger, qui n’ont pas encore fait l’objet d’un travail d’inventaire.

Introduction

Broderie ou dentelle ? D’un point de vue technique, il convient de repréciser ces deux pratiques. On exécute le réseau de dentelle uniquement à l’aide de fils et d’outils – aiguilles, crochets, navettes, fuseaux, épingles – sans support textile, alors que la broderie est confectionnée sur un support préexistant : tissu, tulle, filet, cuir… Le travail consiste à dessiner, à l’aide de fils et de divers apprêts, des motifs réalisés à l’aiguille ou au crochet.

La frontière entre ces deux techniques est parfois difficile à définir car il est en effet possible de les combiner entre elles. D’autre part, certains ouvrages de broderie peuvent être découpés pour imiter la dentelle, en laissant des vides autour des ornements. En tirant des fils, on peut aussi ménager des jours. Certaines techniques peuvent également pousser la découpe jusqu’à éliminer complètement le support initial. C’est le cas pour le filet brodé, et une grande partie de ce que l’on a appelé les « dentelles bretonnes » (confectionnées en broderie sur tulle).

 

Usages contemporains
Si ces techniques ont perduré et connaissent même un nouvel engouement aujourd’hui, c’est notamment grâce à la mobilisation des cercles celtiques et des amateurs des arts et traditions populaires, en particulier dans les années 1970-1980. Soucieux de ne plus revêtir les costumes anciens – pièces de musée – lors de leurs représentations, ils ont été amenés à confectionner des vêtements neufs, les plus fidèles possibles aux guises traditionnelles, et donc à collecter auprès d’ancien∙ne∙s brodeur∙se∙s et dentellièr∙e∙s les gestes indispensables à leur reconstitution. Cette transmission par des artisan∙e∙s âgé∙e∙s a été possible car la Bretagne est l’une des régions françaises où le costume, notamment la coiffe, a été porté tardivement. Les savoir-faire propres à ce patrimoine n’étaient donc pas complètement oubliés.

Depuis, en plus de la confection de costumes pour les groupes de danse et les cercles celtiques et de la confection d’ornements liturgiques, la broderie et la dentelle bretonnes connaissent un rayonnement particulier dans les activités de loisirs et dans la création textile contemporaine, tout en conservant l’intention de véhiculer une identité bretonne.

 

Description du fonds ancien et de ce qui est toujours pratiqué/enseigné
La broderie et la dentelle bretonnes mettent en œuvre de nombreuses techniques qui varient selon les terroirs, les époques et les modes. Il serait fastidieux de dresser ici un répertoire exhaustif de tous les points utilisés. Il est donc plus judicieux d’en proposer une typologie par technique.

Se pose aussi la question de la terminologie des différents points. Si les brodeurs et brodeuses savaient réaliser les différents points, ils ne les nommaient pas toujours, ni en français ni en breton, ni en gallo. Des appellations ont donc été fixées lors du collectage des années 1970-1980, par exemple pour le neudé (de neud, « fil ») ; les points hanter regenn (« demi-rang »), kamm (« courbe », « tordu »), drein pesk (« arête de poisson »), selon l’allure du point ; point laouig, du nom de son hypothétique créateur Laouig Jegou, un célèbre brodeur bigouden ; point de deuil, en raison de son usage sur les coiffes de deuil ; point « de Nantes »(2) et galons « de Lorient », « de Plougastel », « d’Elliant », selon le terroir d’origine…

De même, la symbolique des motifs et des combinaisons de points et de couleurs, notamment en région bigoudène (Finistère sud), est une création postérieure à l’existence des motifs, instituée notamment par les Seiz Breur (mouvement artistique breton entre les deux guerres mondiales, dans le courant Art Déco), ou par les cercles celtiques plus tardivement. Cette symbolique participe à la valorisation de la broderie et est bien accueillie et intégrée par les amateurs de traditions populaires. On associera alors de nombreux « clichés » derrière la chaîne de vie, la plume de paon, le soleil, l’épi de blé, la fleur en bouton, la fleur épanouie…

 

 

Typologie des techniques utilisées en Bretagne

 

Broderie sur toile et sur drap

La broderie sur toile et sur drap [Ill. 5, 6, 7 & 8] a été pratiquée dans toute la Bretagne. En Basse- Bretagne (moitié occidentale de la région), au cours du XIXe siècle, les techniques employées sont généralement les mêmes : des points de couture qui permettaient notamment l’application de rubans (piqûres au point arrière, point de reprise, point de surjet ou de chausson, point de deuil), points qui, resserrés, se transformeront par la suite en ornement à part entière (drein pesk, point kamm, galon de Lorient), et énormément de points de chaînette ou de points de boucle.

Le point de chaînette est employé sous de multiples formes dans la broderie de toutes les régions du monde. Ce point simple et très ancien permet de « dessiner avec du fil » des lignes, des bordures, des tracés courbes ou de remplir certaines zones. C’est également une technique « économique » apte à utiliser le fil de façon optimale sur l’endroit. Les brodeurs bretons ont employé différentes combinaisons ou déformations du point de chaînette, que l’on recense dès le début du XIXe siècle : point de bouclette, point de feston, point de boutonnière, point d’épine, point de deuil ou point hanter regenn, combiné à la chaînette, dentelles à l’aiguille, chaînette échelle, neudé, galons d’Elliant et de Plougastel.

Cette base de points, réinterprétée sous le nom de broderie « glazig » et étoffée d’autres techniques, est largement diffusée dans les cours de l’École de broderie de Quimper de Pascal Jaouen.

 

Broderie blanche
Les techniques de broderie blanche sont très courantes dans la confection des coiffes, cols, guimpes, manchettes, châles et tabliers. Point de bourdon, point de feston, point de tige, point de nœud constituent un répertoire plus classique propre également aux « ouvrages de dames », à la lingerie et au linge de maison. Ce type de broderie se pratique sur velours, satin, drap de laine fin pour les costumes et sur toile fine blanche ou sur tulle pour les parures (coiffes, cols, manchettes).

Grâce à la broderie « Richelieu » (terme générique utilisé aujourd’hui en Bretagne pour nommer une interprétation de la broderie Renaissance et la broderie Richelieu), la création de jours autour des motifs soulignés d’un point de feston ou de bourdon permet le développement de différents réseaux d’araignées ou de dentelles à l’aiguille. L’usage de certains fonds est caractéristique du terroir où la broderie est pratiquée. On retrouve ainsi en pays bigouden (Finistère sud) de très grosses araignées à nombreuses pattes (10 à 14, voire 18) [Ill. 9] et des modes de dentelle « fond de panier ». Les pays pourlet et vannetais (Morbihan) ont poussé les découpes Richelieu jusqu’à presque supprimer le tissu de fond à partir des années 1930 [Ill. 10].

 

Peinture à l’aiguille ou « broderie peinture », broderie au ruban
La « broderie peinture » est une adaptation populaire de la peinture à l’aiguille [Ill. 11 & 12]. L’objectif est de rendre cet effet de peinture en travaillant les ombres et les dégradés d’un motif, souvent floral, à l’aide de fils de couleur brodés à l’aiguille. Souvent réalisé au fil de soie, sur satin ou velours, l’ouvrage peut également associer fils de coton, de rayonne, chenilles, rubans, perles et paillettes. Le terroir vannetais (Morbihan) s’en est fait une spécialité pour orner les grands tabliers des guises des femmes [Ill. 13], ou les gilets d’hommes. Le Léon et la Cornouaille (Finistère) en adoptent la mode plus tardivement, essentiellement dans les années 1920, pour orner les costumes et tabliers de femmes [Ill. 14]. Les points propres à ce répertoire sont le point de tige, le passé plat, le passé empiétant ou remordu, le point de nœud.

 

Broderie or adaptée et perlage
Beaucoup de pays de Bretagne ont adopté la broderie or et la broderie perlée, technique que nous appelons « perlage », bien que ce mot n’apparaisse pas dans le dictionnaire. Les techniques sont moins conventionnelles que celles de la broderie or académique [Ill. 16] (encore enseignée à Rochefort). Les matériaux utilisés sont le fil d’or, la cannetille, plus rarement le jaseron et la lame, les paillettes et cuvettes ainsi que les perles de verre. Plutôt exubérant, voire chargé en Cornouaille (Finistère sud) [Ill. 17 & 18], ce type de broderie est resté plus discret dans les autres terroirs bretons [Ill. 19]. En pays nantais (Loire-Atlantique), la broderie à la perle de jais artificielle (perle de verre noir), est adoptée dans la seconde moitié du XIXe siècle et plus particulièrement à partir des années 1880.

Utilisée aussi bien sur des pièces bourgeoises que des pièces populaires, elle sert essentiellement à orner la pointe des châles [Ill. 20].
Fil d’or et cannetille sont généralement brodés directement sur le tissu, sans rembourrage ni carton. Les motifs le plus souvent floraux ornent les costumes des femmes. Plus géométriques dans les années 1930, ils n’échappent pas à la mode Art Déco. Les perles sont souvent cousues à la main, mais également posées selon la technique de Lunéville(3), preuve que certaines brodeuses bretonnes avaient été formées à cette pratique.

 

Broderie sur tulle ou « dentelle bretonne »
La fabrication mécanique du tulle est une des grandes inventions textiles du XIXe siècle. Le tulle est généralement un réseau de mailles hexagonales exécuté mécaniquement qui ressemble à celui de la dentelle aux fuseaux. La Bretagne s’est approprié ce nouveau support de broderie : la mode de la broderie sur tulle s’est développée au cours du XIXe siècle et a permis la création de nombreux ateliers de broderie [Ill. 21]. Ces derniers diffusent des ouvrages en tulle sous le nom de « dentelles bretonnes », signe de la grande qualité de leur exécution puisque cette broderie ressemblait à s’y méprendre à de la dentelle.
Le tulle, blanc, ivoire ou encore noir, permet la réalisation de grandes pièces comme les châles, les
rideaux, les parures de lit aussi bien que les coiffes et les tabliers, ou encore les collerettes et les bavoirs d’enfants. Sa transparence, sa légèreté et sa bonne tenue à l’amidonnage permettent les repassages les plus audacieux et les architectures compliquées. Il séduit en volants, au bord des manches et sur les cols ou les plastrons. Il se garnit de motifs floraux brodés [Ill. 22] : point de chaînette (au crochet main ou à la machine Cornely), point de bourdon, plumetis et modes de dentelles à l’aiguille, ou point de reprise et jours à points comptés qui reproduisent les fonds façonnés de la dentelle aux fuseaux. Vers la fin du XIXe siècle, des machines à broder mécaniques permettent d’y fixer des inclusions de soie brodées de soutache [Ill. 24]. Le XXe siècle voit apparaître un nouveau réseau très fin, à mailles carrées. Ce « tulle grec », adopté dans la région de Châteaulin et du Faou (Finistère), remplace également le filet noué pour la confection des penn sardin, à Douarnenez et ailleurs [Ill. 23]. Broder sur tulle est donc une pratique largement diffusée en Bretagne, qu’il est indispensable de maîtriser si l’on souhaite refaire une parure (coiffe, col, manchettes) [Ill. 25, 26 & 27]. Beaucoup de cercles, ainsi que les fédérations, organisent des formations.

Le tulle de coton préalablement lavé et repassé est tendu et cousu sur un support souple mais résistant qui porte le dessin du motif à broder [Ill. 28]. Tout le travail de broderie se fait ensuite en suivant le dessin par transparence, en ne piquant que le tulle [Ill. 29]. À l’aide d’un fil à broder, on
« trace » d’abord le contour des motifs à petits points avant, en suivant le dessin. On exécute ensuite les points de remplissage, en faufilant le fil dans les contours au démarrage et à la fin de chaque aiguillée, ainsi que lors des changements de rang, de façon à les rendre invisibles. On réalise enfin les points de dentelle à l’aiguille (araignées, brides, cônes…) au cordonnet à dentelle, toujours en faufilant l’aiguille dans les contours. On termine en recouvrant les contours et les motifs au plumetis d’un point de bourdon, ou de feston pour les bords de l’ouvrage. On détache ensuite le tulle de son support et on découpe méticuleusement le tulle sous les points de dentelle à l’aiguille à l’aide de ciseaux à broder très fins et d’une pince à épiler.

Une autre technique consiste à appliquer sur le tulle un motif dessiné sur une mousseline. La broderie s’exécute sur les deux épaisseurs. À la fin de l’ouvrage, seule la mousseline est découpée, laissant apparaître la broderie en relief [Ill. 30]. Cette technique s’apparente à celle de la broderie sur filet.

 

Filet noué et brodé
La réalisation de parures en filet noué et brodé est une caractéristique particulière à la Bretagne. Beaucoup de terroirs ont utilisé cette technique pour confectionner le support de base de différents types de coiffes et de cols [Ill. 31 & 32]. Ce fin réseau de mailles nouées était ensuite généralement brodé. Également pratiquée depuis longtemps pour réaliser les filets de pêche à la main, la technique a servi pour la confection d’ornements liturgiques, rideaux, dessus de lit, napperons, commercialisés vers les grands magasins à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, notamment dans la région d’Audierne et de Douarnenez.
Le peintre Mathurin Méheut a dessiné des modèles de filet brodé d’inspiration Art Nouveau représentant les Fables de la Fontaine [Ill. 33].

Le filet s’exécute de nos jours avec du cordonnet de coton blanc, une navette en acier et un moule, qui peut être une petite aiguille à tricoter par exemple. La base de l’ouvrage doit être fixée sur un poids. Le réseau de mailles est travaillé en carré, en losange, ou associe des mailles carrées et rectangulaires. C’est une technique méticuleuse qui exige une bonne maîtrise avant d’obtenir un réseau régulier.

Une fois les différentes pièces de la coiffe réalisées, le filet est tendu, puis brodé, selon deux techniques [Ill. 34]. Celle du filet brodé consiste à faufiler les mailles du réseau à l’aiguille, de façon à le décorer de motifs souvent géométriques. Celle de la broderie sur filet consiste à superposer le réseau de filet d’un tissu léger ou d’un tulle, puis à broder ce tissu de motifs floraux exécutés au point de bourdon ou de feston – techniques propres à la broderie blanche – en prenant les mailles de filet lors de la progression de l’ouvrage. Le tissu qui a servi de base à la broderie est ensuite éliminé par un découpage délicat aux ciseaux, en prenant bien soin de ne pas sectionner les mailles du filet en dessous.

 

Dentelle d’Irlande et picot
On a la trace de dentelles en Bretagne dès le XVIIe siècle, sans que l’on puisse dire de quel type de dentelle il s’agit. L’histoire de la dentelle d’Irlande en Bretagne est intimement liée aux grandes crises sardinières qui débutent en 1903. Enseignée aux populations côtières au chômage, cette guipure au crochet leur permet de sortir de la misère et est commercialisée dans les grands magasins parisiens, voire exportée jusqu’aux États-Unis.
Originaire d’Irlande, cette guipure sera réinterprétée dans deux terroirs particuliers : le golfe du Morbihan et le pays bigouden. Dans le Vannetais (Morbihan) [Ill. 35], les éléments au crochet sont agencés sur un réseau à l’aiguille qui confère à l’ouvrage une légèreté et une transparence particulière que ne présentent pas les dentelles cornouaillaises. Les motifs sont en effet reliés par des fils tendus comportant en leur milieu un nœud-de-moine, ou « nope », exécuté au point de poste.
Les dentellières bigoudènes, quant à elles, créent le « picot bigouden » [Ill. 36 & 37] : au lieu des mailles en l’air repiquées, elles confectionnent des jetés (en enroulant plusieurs fois le fil autour du crochet), puis réalisent une rotation du crochet avant de glisser le fil dans l’ensemble de ces jetés. Le « picot bigouden » se distingue alors du « picot piqué » : plus simple, plus rapide à exécuter, ce réseau remplace rapidement celui d’origine, et l’«irlande bretonne » est lancée. Corsages, napperons et gants réalisés selon cette technique seront longtemps vendus sur les marchés du sud Finistère. Cette dentelle se pratique encore au sein d’associations telles que l’Institut bigouden des dentelles à Pont-l’Abbé et Les dames picot à Loctudy, ainsi qu’au Centre des Loisirs et de la Culture (CLC) du Guilvinec.
Les motifs choisis sont exécutés au crochet [Ill. 38], à l’aide d’un cordonnet à dentelle en coton, traditionnellement blanc, beige ou noir, rembourrés si besoin d’un cœur de lin. Puis ils sont disposés et cousus sur une toile cirée (ou un autre support) afin d’être reliés par les mailles du réseau exécutées au picot [Ill. 39].

 

Dentelle aux fuseaux
Les costumes du fonds ancien présentent beaucoup de rubans et galons exécutés aux fuseaux, dont on ne connaît pas les origines, vraisemblablement importés et réagencés à la mode locale, comme énormément de matériaux d’ailleurs. Des recherches ont été effectuées sur ces techniques dès les années 1980, pour pouvoir les réaliser et les transmettre aujourd’hui. Il existe en effet des professionnelles et de nombreuses associations de dentellières qui pratiquent la dentelle aux fuseaux [Ill. 40].

 

Macramé
Le macramé est essentiellement utilisé pour la réalisation des franges de châles dans tous les terroirs bretons [Ill. 41]. Mais il a aussi pu être utilisé, par le passé, pour finir des linceuls, des nappes d’autel… Réalisée au fil ou au ruban de soie, cette dentelle combine des entrelacs et des nœuds qui permettent la réalisation de motifs géométriques répétitifs.
Le travail de collectage des motifs du fonds ancien et des techniques correspondantes a été réalisé assez récemment par le cercle celtique de Perros-Guirec. L’équipe de brodeuses organise de nombreuses formations afin de diffuser les savoir-faire propres à cette pratique [Ill. 42].
Le macramé est réalisé sur un support perforable où l’on fixe le modèle. Les fils – ou les rubans – sont ancrés directement dans le tissu ou sur un ruban, puis croisés et/ou noués, en maintenant le travail avec des épingles, un peu comme pour la dentelle aux fuseaux [Ill. 43]. Les points de base sont le tissage, le nœud plat, le nœud carré, la feuille, le bombyx et les boucles. L’assemblage de ces points forme le motif final.

 

Gestuelle et posture propres à la broderie (broderie sur drap, broderie blanche, broderie sur tulle, broderie peinture, perlage à l’aiguille).
De nos jours, la broderie se pratique sur une chaise ou un fauteuil. Certain∙e∙s posent leurs pieds sur un petit banc, de façon à surélever leurs genoux pour poser leur ouvrage dessus, voire le fixer pour pouvoir légèrement le tendre au cours du travail. D’autres encore brodent « sur leurs mains » ou appuient leurs avant-bras sur le bord d’une table. La broderie est faite « à main levée » ou « sur le doigt », c’est-à-dire sans tambour ni métier [Ill. 44]. L’aiguille traverse le tissu (endroit − envers − endroit) en un seul geste (sans être tirée sur l’envers du travail) et est tirée généralement vers soi. Cela nécessite une bonne maîtrise de la tension du support et du fil : ni trop serré au risque de froncer le tissu, ni trop lâche pour ne pas avoir de fils qui « flottent ». Enfin, de manière générale, il est indispensable d’avoir une source de lumière suffisante.

 

Langue(s) utilisée(s) dans la pratique
Français, breton, gallo.

Patrimoine bâti
Bâtiments où les savoir-faire sont pratiqués
La maison Le Minor à Pont-l’Abbé ;
L’École de broderie d’art de Pascal Jaouen à Quimper (située dans une ancienne faïencerie).
Bâtiments où l’activité a cessé
L’atelier Deporte à Lorient, cours de Chazelles ;
Le manoir de Kerazan à Loctudy, école de broderie de 1933 à 1966.

 

Objets, outils, matériaux supports
Selon la technique utilisée, différents outils et matériaux sont nécessaires.

 

Broderie sur tissu et sur tulle
Les broderies sur tulle, comme celles sur linon, organdi et mousseline, appliquent les mêmes principes : des tissus transparents en coton, travaillés avec du fil de coton à broder, le plus souvent blanc, variant actuellement du n° 35 au n° 20 (épaisseur du fil), ainsi que du cordonnet spécial pour les parties découpées. Le coton perlé, parfois de couleur, remplace ces fils sur certains ouvrages. Les cotons sont privilégiés, étant destinés le plus souvent à être empesés.
Les tissus fins, travaillés par transparence, sont fixés sur un papier sulfurisé, appelé aussi « papier beurre », ou parfois sur du papier calque où le motif aura été dessiné à l’encre indélébile afin de ne pas tacher le travail de broderie. Un papier plus fort, tel que le papier kraft ou une légère toile cirée, sera placé sous le motif et maintiendra le tissu tendu durant le travail de broderie.
Les tissus légers, comme la soie, sont souvent brodés avec le papier de soie sur lequel le motif a été dessiné et posé, dans ce cas sur l’endroit du tissu, le papier de soie étant retiré en grande partie à la fin du travail.
Les tissus plus lourds (les velours de soie ou de coton, les draps de laine, le coton, le lin, les satins de soie ou de coton ainsi que les crêpes) sont tracés à la craie ou au pochoir à la chaux sur les tissus de couleur ou noirs (poudre à poncer), et à la poudre bleue ou au papier carbone sur les tissus clairs. Ce tracé à la craie sera fixé ensuite par un trait à la peinture à l’eau type gouache. On peut également utiliser des tampons de traçage.
Ces tissus sont brodés de fils « floche » et de cordonnets de soie ou de coton mouliné ou perlé, de chenilles, de rubans de soie ou de coton, de paillettes, de cabochons, de cannetille, de perles de verre longues, demi-longues ou rondes, de perles soufflées, puis, plus récemment, de rocaille.
Les outils les plus courants sont les aiguilles à broder, les ciseaux fins de brodeuses et les protections de doigts pour les tissus plus épais, ainsi que le petit outillage de traçage. Le festonneur, par exemple, permet d’imprimer le motif sur un support qui peut être utilisé pour border une pièce de costume, de lingerie, ou la passe d’une coiffe nantaise [Ill. 45]. Enfin, l’usage des métiers et tambours se répand progressivement.

 

Filet noué et brodé
Les éléments suivants sont nécessaires pour la réalisation du filet :
● du fil : plus ou moins fin, en coton, soie, laine ou autre fibre, avec une bonne torsion ;
● un moule : une réglette plate ou cylindrique, courte (15 cm environ) en acier ou plastique rigide, tenue dans la main gauche (pour les droitiers) entre le pouce et l’index (l’épaisseur du moule correspondra à la taille de la maille désirée) [Ill. 46 & 47] ;
● une navette, en acier, terminée aux deux extrémités par une sorte de fourche à deux branches et un chas, afin d’embobiner le fil ; elle est tenue dans l’autre main et permet au fil de venir former une boucle puis un nœud autour du moule [Ill. 46 & 47] ;
● une paire de ciseaux ;
● un poids de 2 kg environ, ou tout autre objet ferme et fixe auquel sera fixée par une épingle à nourrice la boucle initiale. On pourra ainsi tirer avec fermeté sur le fil lors de la formation de chaque nœud. C’est le garant d’un travail régulier.
On obtient ainsi une base de filet qui pourra être brodé.

 

Pour réaliser la broderie, il convient de se munir des éléments suivants :
● un cadre en bois, en plastique, en carton ou en métal, de forme rectangulaire, carrée, ronde ou autre, sur lequel est tendue la pièce de filet à broder [Ill. 48] ;
● du fil, différent ou pas de celui du filet, selon les effets souhaités pour la broderie ;
● une aiguille à extrémité non pointue (aiguille à canevas ou, mieux, aiguille longue dont l’extrémité se termine par une petite boule) ;
● des perles pour le filet perlé ;
● un patron ou motif tracé sur papier qui sera le motif reproduit en broderie ;
● des épingles à tête de couleur ;
● une paire de ciseaux.

 

Picot
Le picot est réalisé avec un crochet très fin, du fil de coton fin sur un cordon ou un cordonnet plus gros, autrefois appelé « bourdon ». De nos jours et dans de nombreuses associations, le matériel utilisé est le suivant :
● un crochet fin n° 0.60 et/ou n° 0.75 (épaisseur du crochet) ;
● du fil sur cône de chez DMC (seule marque à proposer ce produit), référence « crochet Superba » n° 30 ou n° 40 (épaisseur du fil), vendu dans les coopératives maritimes dans le pays bigouden ;
● du fil cordonnet pour le relief du motif, très difficile à trouver aujourd’hui. On utilisait autrefois de la ficelle de pêcheur voire de cuisine.

 

Macramé
Le matériel nécessaire est le suivant :
● deux carreaux de mousse dure perforable ;
● trois feuilles de papier millimétré ;
● des épingles ;
● un ruban (pour le support de l’ouvrage) ;
● un passe laine ;
● un graphique [Ill. 49] ;
● du lacet de soie (ou acétate) ou cordonnet de soie (ou coton perlé) [Ill. 50].

Modes d’apprentissage et de transmission

La transmission des savoir-faire de la broderie et de la dentelle, essentiellement orale, a failli s’interrompre à partir des années 1960, avec le déclin de la profession de brodeur∙se et de dentellièr∙e, mais aussi l’arrêt de l’enseignement de la broderie à l’école, la disparition du cours ménager, la fermeture de l’école de broderie du manoir de Kerazan à Loctudy… Dans la période allant de 1965 aux années 1980, broderie et dentelle sont dans une situation critique et peu de brodeur∙se∙s subsistent. Les personnes qui s’intéressent à la broderie à cette époque ont des difficultés à trouver les fils nécessaires et la documentation est rare. Certain∙e∙s tentent d’interroger les ancien∙ne∙s brodeur∙se∙s, mais ces dernier∙e∙s sont parfois réticent∙e∙s à transmettre leurs connaissances.

 

Animées par un sentiment d’urgence face à des savoir-faire en train de tomber dans l’oubli, quelques personnes prennent alors l’initiative de proposer des cours au sein de certains cercles celtiques. Les premiers cours naissent d’un besoin concret ; en effet, les costumes et les parures anciens portés au sein des groupes se dégradent, obligeant leurs membres à se former pour compléter les tenues ou en faire des reproductions. En 1980, un petit groupe de passionné∙e∙s, autour de Geneviève Jouanic et Viviane Hélias, crée une commission broderie au sein de la confédération War ’l Leur, dans le but de transmettre les techniques et les styles des différents terroirs. Cette équipe lance des stages mensuels au centre Amzer Nevez à Ploemeur. L’objectif premier est d’aider les cercles à réaliser leurs costumes et leurs parures mais, très vite, les stages s’étendent à toute la Bretagne et s’ouvrent au grand public. En 1989, la commission broderie lance les Samedis du brodeur au Musée départemental breton de Quimper, pour permettre aux apprenants de découvrir une technique différente tous les mois, une initiative qui permettra de former de nombreuses personnes. À partir des années 1990, l’offre de cours augmente progressivement.

 

Aujourd’hui, il n’existe pas de formation diplômante en broderie sur le territoire breton. En revanche, certain∙e∙s brodeur∙se∙s actuellement en activité ont passé un diplôme à l’école supérieure des arts appliqués Duperré, à Paris, qui possède une section textile avec option broderie, ou au lycée professionnel Gilles Jamain de Rochefort, qui prépare au BMA en broderie or (Brevet des métiers d’art). Par ailleurs, quatre brodeur∙se∙s actuellement en activité ont obtenu le titre de Meilleur Ouvrier de France (MOF).
De nos jours, la transmission se déroule le plus souvent au sein de cours et de stages, organisés par des associations, des cercles celtiques [Ill. 51 & 52] et leurs fédérations départementales [Ill. 54 & 55], la Maison du filet brodé (Plouénan) et l’École de broderie d’art de Pascal Jaouen (Quimper), qui propose des formations non diplômantes (voir II.2). Par ailleurs, quelques brodeur∙se∙s indépendant∙e∙s donnent des cours dans leur atelier, dans des écoles et des collèges [Ill. 53] et proposent des animations en médiathèques et dans les festivals.

 

La transmission des savoir-faire de la broderie et de la dentelle est orale et s’appuie sur la démonstration de gestes [Ill. 52 & 54]. Il existe également un certain nombre d’ouvrages présentant les techniques, qui peuvent être utilisés en complément des cours pour approfondir la pratique personnelle. Dans les cours et les stages, un ou plusieurs enseignants montrent les techniques et prodiguent des conseils personnalisés selon le niveau de l’élève et la nature de son projet. Dans les stages des cercles et des fédérations, il est fréquent que plusieurs moniteurs soient présents pour permettre aux participants de travailler sur différentes techniques [Ill. 54 & 55]. Certain∙e∙s enseignant∙e∙s proposent aux débutant∙e∙s de broder un échantillonnage des points, sorte de pense- bête auquel les élèves peuvent se référer par la suite [Ill. 56].
Les cours et les stages proposent souvent, en complément de l’étude des différents styles bretons, des techniques qui n’étaient pas utilisées dans la broderie populaire en Bretagne : broderie Mountmellick, broderie de Cilaos, point de Beauvais [Ill. 57]…

 

Les participant∙e∙s des ateliers et des stages apprennent la broderie et la dentelle avec des objectifs différents. Certaines personnes souhaitent pouvoir broder des costumes et des parures, soit parce qu’elles font partie d’un groupe de danse et ont besoin d’orner leur tenue pour les défilés et les représentations, soit parce qu’elles souhaitent posséder un costume et/ou une coiffe, sans objectif de spectacle mais pour les porter dans des occasions particulières telles que les pardons, ou simplement pour les exposer à la maison. D’autres ont plutôt pour objectif d’orner des vêtements, des bijoux, du linge de maison (nappes, serviettes, coussins…), des objets du quotidien (sacs, pantoufles…) ou des objets de décoration (boîtes, tableaux, tentures…) [Ill. 58]. Enfin, certaines personnes s’inscrivent sans objectif défini mais pour le plaisir d’apprendre un nouveau savoir-faire, ainsi que pour profiter de la convivialité de ces moments d’échange. Beaucoup soulignent les bienfaits de la broderie et de la dentelle, qui permettent de faire le vide dans son esprit ; pour certaines personnes, cette pratique s’apparente même à une forme de méditation. La broderie est d’ailleurs parfois utilisée dans des services de psychiatrie dans le cadre d’ateliers d’art-thérapie, par exemple à l’Hôtel-Dieu de Pont- l’Abbé.

 

Personnes/organisations impliquées dans la transmission

Les cercles celtiques, fédérations et confédérations, qui ont joué un rôle central dans la sauvegarde et le maintien des savoir-faire, restent des acteurs importants de la transmission à l’heure actuelle. De nombreux cercles proposent ainsi un atelier broderie à leurs membres, géré par un ou plusieurs de leurs bénévoles. Certaines fédérations organisent quant à elles des stages ouverts au public.
Initialement présent essentiellement dans ces structures, l’enseignement des techniques et des styles utilisés en Bretagne a peu à peu gagné d’autres cadres tels que des maisons de quartier et des associations de loisirs, qui proposent des cours de broderie et de dentelle dans différentes villes de Bretagne. Ces associations peuvent être spécifiquement consacrées aux savoir-faire de la broderie et de la dentelle en Bretagne, comme c’est le cas de Broderezhioù Giz Kozh ar Vro (Broderies traditionnelles) à Châteauneuf-du-Faou, de la Maison de la broderie et de la dentelle bigoudènes à Plonéour-Lanvern [Ill. 59] et de l’Institut bigouden des dentelles à Pont-l’Abbé. Elles peuvent aussi se consacrer à la culture bretonne au sens large (c’est par exemple le cas d’Hiziv à Hennebont). D’autres encore sont des associations de loisirs sans lien particulier avec la culture bretonne. Il arrive également parfois que des brodeur∙se∙s interviennent pour des groupes de personnes n’appartenant à aucune association [Ill. 60].

 

Dans le milieu associatif, différentes formules sont proposées selon le lieu : des cours hebdomadaires ; des ateliers mensuels ; des stages annuels sur un week-end ; des stages ponctuels pour travailler une technique particulière…

 

Deux lieux sont spécifiquement consacrés à la valorisation et la transmission des savoir-faire de la broderie et de la dentelle : la Maison du filet brodé à Plouénan et l’École de broderie d’art de Pascal Jaouen à Quimper. Gérée par l’association Ijin ha spered ar vro, la Maison du filet brodé est un petit musée doté d’une salle d’atelier, où se trouve une exposition de créations en vente (bijoux, abat-jours, rideaux…) [Ill. 61]. Elle forme une centaine de personnes à l’année aux techniques du filet noué et brodé, à la fois lors d’ateliers hebdomadaires, de journées mensuelles et de demi-journées de stage ponctuelles. Des démonstrations sont proposées sur place dans le musée, mais aussi lors de divers événements festifs dans le Finistère, ou au-delà. L’association a également effectué des recherches et du collectage pour réaliser des dossiers techniques permettant la reproduction à l’identique des coiffes étudiées (une trentaine à ce jour).

Créée en 1995 à Quimper par Pascal Jaouen, l’École de broderie d’art propose, quant à elle, des cours et des stages dans trente-sept lieux de Bretagne et d’ailleurs [Ill. 62]. La formule diffère selon les villes : deux heures par semaine, trois heures tous les quinze jours, ou une journée par mois. À Paris, les élèves suivent ainsi une journée de cours par mois. En parallèle, il existe également des stages intensifs d’une semaine à Paris, Lyon, Bordeaux, Orléans et Quimper. Le siège de Quimper propose des stages d’été d’une semaine pendant tout le mois de juillet et d’août. Par ailleurs, l’école accueille des personnes en formation professionnelle et a mis en place un partenariat d’apprentissage avec le lycée professionnel Gilles Jamain de Rochefort. L’école forme 2 500 personnes par an et deux de ses enseignants ont obtenu le titre de Meilleur Ouvrier de France.

L’enseignement de l’école est organisé par trimestres. La broderie dite « glazig », dans la forme que l’école a développée et qui est aujourd’hui sa « marque de fabrique », est enseignée à chaque trimestre, et une autre technique est proposée en complément, telle que la broderie au ruban, le passé empiétant, la broderie or… L’enseignant∙e montre les points aux apprenant∙e∙s, puis indique sur les motifs des élèves l’emplacement des différents points à utiliser. Les plus avancé∙e∙s sont plus autonomes dans le choix des points et peuvent se consacrer à des projets personnels [Ill. 63]. Des ouvrages sont à disposition dans le cours pour servir d’inspiration ou de référence en cas de doute [Ill. 64].

 

Les cadres d’apprentissage sont donc aujourd’hui très variés. Selon le type de structure proposant des cours, les enseignant∙e∙s peuvent être bénévoles, défrayé∙e∙s, ou rémunéré∙e∙s par une association ou l’École de broderie d’art. En-dehors de ces cadres, les animations en milieu scolaire sont le fait de bénévoles et de brodeur∙se∙s indépendant∙e∙s rémunéré∙e∙s en tant qu’intervenant∙e∙s.

Repères historiques

Se pencher sur les savoir-faire de la broderie et de la dentelle en Bretagne, c’est nécessairement se référer au riche patrimoine textile des costumes bretons. Mais, au-delà de leur histoire, il existe des réalités plus anciennes et méconnues : des études historiques récentes, en cours, montrent la présence de brodeurs de métier citadins depuis le XIVe siècle en Bretagne, le rôle des congrégations féminines dans la transmission des savoir-faire, des aventures industrielles et commerciales multiples dès le début du XIXe siècle.
La broderie joua et joue encore un rôle primordial dans la fabrication de « l’image de la Bretagne » : des hermines brodées des XIVe et XVe siècles sur les dais et étendards des ducs de Bretagne aux motifs bigoudens devenus emblèmes régionaux, en faire son histoire est parfois délicat.

 

Les brodeurs de métier citadins
La broderie est un art textile (plus ancien que la dentelle) et elle a pris en Europe un tournant artistique et professionnel impressionnant à la fin du Moyen Âge. La Bretagne n’en est pas exclue : si la broderie y apparaît plus tardivement qu’en Angleterre ou en Espagne, on peut lui reconnaître d’avoir connu un premier épanouissement à l’époque moderne.
Dès le XIVe siècle, l’installation d’ateliers de broderie est soutenue et encouragée par les autorités politiques et religieuses. D’abord présents à Rennes et Nantes, et près des cathédrales, les brodeurs s’installent progressivement dans les plus petites villes pour couvrir au XVIIe siècle presque l’ensemble du territoire.
Les brodeurs et brodeuses de métier œuvrent parmi les faiseurs d’ymages, auprès des enlumineurs ou des tapissiers, et contribuent à la magnificence des instances religieuses, politiques et aristocratiques de l’époque [Ill. 65 & 66]. Ils travaillent des matières précieuses – du fil d’or, d’argent, et de la soie – et se voient confier la broderie de messages, d’images symboliques sur les bannières, dais et costumes d’apparat.
L’atelier de broderie est essentiellement familial, se transmettant parfois sur un siècle et demi. Même si parfois des apprentis ou des compagnons y travaillent, attestant de pratiques dites « corporatives », il n’y a pas pour autant d’organisation officielle du métier, pas de statuts ni de confréries connues. En Bretagne, les brodeurs et brodeuses exercent donc un métier dit « libre ».
Les dentelliers et dentellières, présents au moins depuis le XVIIIe siècle dans les principales villes bretonnes, sont moins nombreux que les artisans de la broderie. Ils sont aussi moins connus, parfois confondus avec les passementiers.

 

Un enseignement dédié aux filles
À partir du XVIIe siècle, la broderie et la dentelle se pratiquent et s’enseignent dans de nombreuses congrégations féminines. Les religieuses peuvent être à la fois brodeuses et enseignantes auprès de leurs pensionnaires. Les Ursulines et Visitandines ont pour vocation d’éduquer plus spécifiquement les jeunes filles pauvres. La féminisation des métiers de broderie peut ainsi s’observer à Rennes dès le milieu du XVIIIe siècle.
Depuis la Révolution française, ces apprentissages sont maintenus dans les programmes de certaines écoles jusque dans les années 1960, au titre de l’enseignement domestique et des travaux manuels « propres aux filles » [Ill. 67]. Par exemple, à Tréguier, dès 1848, une école « enseigne la couture et la broderie aux jeunes filles pauvres de la localité ».
Cette « éducation du peuple » est depuis longtemps une préoccupation d’intérêt général. Pour preuve la pratique de la « mise des enfants au métier » par de riches donateurs et mécènes dès le XVIIe siècle, ou la fabrication de dentelle et de picot (entre autres) au sein d’hospices (Hôpital Saint- Yves de Rennes) et de certaines prisons (Vannes) jusqu’au XIXe siècle sous la conduite de maîtresses. Jeunes femmes et enfants participent ainsi à des concours d’art et d’industrie en proposant des ouvrages brodés.
Instruction et pratique des arts textiles cheminent ensemble, contribuant certes à l’autonomie textile des familles mais surtout à former des ouvrières potentielles.

 

Des aventures industrielles et commerciales
Au XIXe siècle, des tentatives de développement industriel de ces savoir-faire sont à l’essai, comme la fabrique de Vitré ou Lévy à Brest, fournissant alors des magasins de mercerie se spécialisant dans la vente de « broderie bretonne ».
À la fin du siècle, c’est la « dentelle bretonne » (tulle brodé) que l’on retrouve citée dans certains magazines de mode parisiens et dans des expositions (Musée Galliera, 1904). Elle commence même à apparaître dans les manuels techniques : « Les broderies sur tulle confectionnées à l’aiguille portent généralement le nom de bretonnes. »
Ces initiatives ne nous sont pas encore bien connues, beaucoup moins que celle qui marquera la mémoire collective : la fabrication de dentelle d’Irlande et de filet brodé au moment de la crise de la sardine dans les années 1902-1907. Afin d’éviter la misère à la population des côtes finistériennes, des dames d’œuvres suivies par des religieuses soutiennent le développement d’une industrie d’art faisant travailler des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants [Ill. 68].
Cette impulsion sera accompagnée d’un développement de ces industries d’art dans d’autres villes bretonnes jusqu’aux années 1950 (à Lorient Deporte [Ill. 69] et Hingrat, à Quimper Donval- Legondre firent travailler des milliers d’ouvrières pour la fabrication de coiffes et dentelles à la main). Ces fabrications en série participent au maintien de ces pratiques sur le territoire, couvrant largement le marché local et exportées au-delà de la Manche et de l’Atlantique.

Après la Seconde Guerre mondiale, ces aventures industrielles périclitent dans un contexte de changement culturel important, précipitant l’abandon de ces dentelles et broderies dans les modes nationales et locales. Cependant, l’attrait touristique des broderies bretonnes permettra le maintien de certaines entreprises, comme Le Minor, qui participa à partir des années 1930 à la connaissance des costumes régionaux par ses célèbres poupées bretonnes.

 

Broderies, dentelles et costumes
Combinant productions locales et fabrications extérieures, les broderies et les dentelles bretonnes contribuent à la diversité des guises et à leur évolution. Au XIXe siècle, l’industrialisation diminue le coût des matériaux textiles et ouvre le champ des ornementations aux populations rurales en plein essor économique. La broderie et la dentelle connaissent une expansion spectaculaire.
L’examen des pièces anciennes (début du XIXe s.) montre une multiplicité de points et l’application de rubans à la manière de l’habit à la française. Mais la façon maladroite, loin de celle des brodeurs citadins, suppose le travail de tailleurs locaux et de couturières. Souvent itinérants – cf. la Galerie bretonne de Bouët et Perrin (1835) –, ceux-ci interprètent la mode de leur terroir au sein d’une organisation familiale.
Dès 1850, ils gagnent en précision et expriment leur maîtrise dans les tenues de fête. Utilisant judicieusement de nouveaux matériaux, de riches broderies ornent bientôt l’ensemble du vêtement. Apparaît la machine à coudre. Les tailleurs-brodeurs ouvrent des ateliers et se répartissent la confection. Rivalisant d’habileté et de créativité, ils intègrent les influences extérieures avec un talent désormais reconnu. Cette esthétique originale inspire dès 1830 les artistes et les intellectuels, aussi bien en littérature que dans les représentations picturales puis photographiques. Les pièces collectées ont droit à une place centrale dans les acquisitions muséales.
En soutien de ce secteur économique, politiciens et économistes contribuent à la défense du port du costume en favorisant les développements industriels, commerciaux et artistiques. La maison Jacob de Quimper présente les broderies bretonnes à l’Exposition universelle de Paris en 1867, imitée plus tard par la maison Pichavant de Pont-l’Abbé [Ill. 70 & 71]. Jouissant d’une renommée nationale, la broderie bretonne à la main connaît son « âge d’or » jusqu’en 1914. Elle approvisionne les rayons des grands magasins, orne les chasubles des princes d’église et même les parures de l’impératrice Eugénie.

La Première Guerre mondiale accélère l’abandon du costume masculin. Celui des femmes s’allège et raccourcit tandis que les coiffes s’envolent. L’utilisation de rubans, chenilles de soie et semis de perles pour créer de nouveaux motifs floraux ne freine pas le déclin. Estimée peu pratique et devenue trop onéreuse, la vêture féminine tombe à son tour en désuétude.
La volonté de maintenir ces savoir-faire et leur esthétique perdure pourtant. En 1916 s’ouvre à l’École des beaux-arts de Rennes « un atelier de travaux pratiques, broderies, dentelles » destiné aux jeunes filles, qui sera dirigé par Jeanne Malivel (Ar Seiz Breur) à partir de 1923. En 1928, à Kerazan (Loctudy) est créée une école d’arts appliqués en broderie et tapisserie, pour jeunes filles. Elle ferme en 1966, alors que la pratique moribonde des arts textiles ne trouve plus d’intérêt que dans quelques familles sous forme de loisir.

Le savoir-faire n’en sera pas perdu pour autant. Amateurs éclairés et cercles celtiques restaurent les costumes et en créent de nouveaux. En ressourçant l’admiration pour ces arts textiles, ils suscitent des vocations. En 1980, la confédération War ’l Leur constitue une commission Broderie. Ces structures de transmission ont initié nombre d’artisans et d’artistes actuels, qui continuent à sublimer les arts du fil, en mêlant identité régionale et dimension artistique universelle.

L’intérêt porté au costume et à ses techniques vient en particulier des groupes de danse bretonne. Depuis le début du XXe siècle, des associations ont ainsi pour but de mettre en valeur le vêtement breton, ce qui implique depuis longtemps, et encore plus de nos jours, une entreprise de reconstitution [Ill. 72, 73 & 74].
L’exercice consiste à se rapprocher au maximum des matières utilisées à l’époque, en cherchant dans les références que proposent les industries textiles aujourd’hui. Des matériaux anciens sont parfois utilisés, mais leur espérance de vie est moindre.

 

Les techniques réinterprétées et les matériaux « traditionnels » réappropriés, la pratique se développe également dans la sphère quotidienne. La broderie contemporaine bretonne ne subit pas les contraintes de la reconstitution historique et peut bénéficier plus largement de l’offre textile actuelle. Elle est susceptible d’incorporer une grande variété de matières actuelles : organza de soie, velours de soie et viscose, fil de nylon, cabochons et paillettes en plastique… Certain∙e∙s praticien∙ne∙s préfèrent néanmoins opter pour des matériaux naturels.
Par ailleurs, la broderie qui n’est pas destinée à la reconstitution peut se permettre différents apports de techniques et de styles. Les réseaux sociaux, qui collectent et diffusent de grandes quantités d’images de broderie, facilitent les métissages, tout comme les publications sur divers types de broderie à travers le monde. Les savoir-faire des différents terroirs de Bretagne peuvent se mélanger entre eux, mais aussi avec d’autres techniques françaises et d’ailleurs, telles que la broderie au crochet de Lunéville, la broderie de Cilaos, la broderie hardanger…

 

La broderie s’applique aux insignes et bannières, à des éléments textiles du quotidien tels que le vêtement (vestes, pantalons, tee-shirts…), les accessoires (nœuds papillon, cravates, casquettes [Ill. 75], ceintures [Ill. 76], sacs [Ill. 78]…), les bijoux (broches, bracelets, pendentifs, boucles d’oreilles, bagues [Ill. 77]…), le linge de maison (rideaux, nappes, coussins…), mais aussi à la décoration intérieure (boîtes [Ill. 79], abat-jours, dossiers de chaises, tentures [Ill. 80]…), et est également utilisée pour la création d’œuvres originales [Ill. 81].
Dans le domaine de la dentelle, les praticien∙ne∙s du picot bigouden s’adaptent aux goûts actuels, par exemple en réalisant des incrustations de picot sur du linge de maison et des vêtements, ou en inventant de nouveaux motifs.

 

La « scène » bretonne voit naître des passionnés du vêtement et du textile ayant décidé de se professionnaliser. L’étude précise des pièces anciennes, de leurs coupes, de leurs techniques de broderie et de manipulations textiles, rendue possible par des collectionneurs, les musées et parfois les groupes de danse eux-mêmes, permettent aux créateurs de réinterpréter la broderie dans des styles actuels [Ill. 82].

 

Ces créateurs dépassent également l’aspect vestimentaire et s’engagent dans des œuvres éminemment contemporaines. Celles-ci peuvent s’inspirer des motifs et styles anciens de broderie, mais aussi tendre vers des styles très actuels qui s’en éloignent beaucoup : tableaux, sculptures, œuvres conçues par des designers [Ill. 83 & 84], mobilier [Ill. 85]… Une diversité dans l’activité professionnelle permet d’ouvrir le champ de la clientèle et de l’exploration du savoir-faire.

Vitalité

Les techniques de la broderie et de la dentelle sont aujourd’hui sauvegardées. Tous les acteurs de la broderie font état d’un regain de la pratique et d’un engouement populaire, qui s’inscrivent dans une mode globale des loisirs créatifs et du fait-main. Cette tendance se double d’une remise en question du « tout-industriel », qui amène à rechercher des produits qualitatifs, durables et uniques, dans le respect des savoirs artisanaux. La demande en matière de formations (cours et stages) connaît d’ailleurs une forte augmentation depuis les années 2010. La broderie a régulièrement les honneurs de la presse, notamment à l’occasion des expositions et des défilés (voir IV.2). L’École de broderie d’art de Pascal Jaouen est aujourd’hui connue en-dehors de Bretagne, où il existe aussi une demande pour ses formations.

La broderie et la dentelle sont des savoir-faire vivants, ancrés dans le quotidien d’un nombre considérable de personnes d’horizons très divers. La pratique touche ainsi différents âges et milieux sociaux, et l’on constate un rajeunissement global du public intéressé. Les brodeur∙se∙s expérimenté∙e∙s ont en outre des statuts variés, allant de bénévole à chef d’entreprise. Actuellement, plusieurs personnes sont en capacité de transmettre leurs connaissances, ce qui garantit aux apprenants la possibilité de comparer les informations données et les méthodes, ainsi que de s’appuyer sur différentes visions du savoir-faire.
Les savoir-faire de la broderie et de la dentelle ont été adaptés aux goûts actuels et aux objets usuels, ce qui leur assure une place dans la vie quotidienne. Ils sont également au cœur de projets artistiques ambitieux, que ce soit par la création textile, la création artistique ou le design. Ils sont donc en perpétuelle évolution, gage de vitalité pour l’avenir.

 

Menaces et risques

Le renouveau actuel ne touche pas toutes les techniques de la même manière. La dentelle et ses formes apparentées semblent en effet avoir moins bénéficié que la broderie du regain d’intérêt pour les techniques du fil. Ainsi, tandis que la pratique de la broderie se professionnalise et gagne en visibilité, celle de la dentelle reste en grande partie un loisir ou un revenu d’appoint pour des retraité∙e∙s. Le picot, par exemple, ne bénéficie pas du même engouement que les diverses techniques de broderie aujourd’hui enseignées et pourrait être menacé de disparition car son utilisation habituelle pour la création de napperons, gants, chemisiers… ne correspond plus aux goûts actuels. Par ailleurs, les praticien∙ne∙s éprouvent plus de difficulté à trouver un usage contemporain à des techniques telles que la broderie sur tulle et le filet noué et brodé, bien que certaines personnes déploient beaucoup d’imagination dans ce domaine.

Le renouveau de la broderie n’est pas homogène sur l’ensemble du territoire. Les pays nantais et rennais, en particulier, bénéficient moins de la dynamique de transmission et de création actuelle, tandis que la Cornouaille et, dans une moindre mesure, le Vannetais, concentrent une grande partie des brodeur∙se∙s et des dentellièr∙e∙s. En outre, toutes les zones géographiques ne font pas l’objet de la même attention dans le domaine de l’édition. Le pays bigouden, en particulier, est surreprésenté dans l’ensemble des livres édités à ce jour, tandis que certains terroirs sont encore assez peu documentés. Les connaissances des personnes ressources nécessiteraient un travail d’édition, notamment les recherches menées par certain∙e∙s brodeur∙se∙s et dentellièr∙e∙s à titre personnel sur des terroirs précis, mais également celles que mène l’association Ijin ha spered ar vro sur les techniques du filet noué et brodé dans toute la Bretagne.

Si les savoir-faire de la broderie et de la dentelle ont été sauvegardés, la profession de brodeur∙se est quant à elle dans une situation délicate. Aujourd’hui, très peu de personnes vivent de leur savoir- faire, et celles qui le font gagnent difficilement leur vie. Les professionnel∙le∙s ne peuvent se faire rémunérer à la hauteur des heures de travail sous peine de ne pas trouver d’acheteurs, ce qui fait de la broderie une activité peu rentable. En effet, rares sont les personnes disposées à consacrer d’importantes sommes à l’achat de pièces brodées. L’activité des professionnel∙le∙s souffre également de l’hyper-industrialisation du monde de la mode et du textile, de la concurrence du travail au noir local et de la broderie réalisée dans des pays où la main-d’œuvre est bon marché. La broderie est donc bien vivante mais, paradoxalement, très peu de personnes en vivent.

Bien qu’ils soient encore portés en contexte de spectacle ou de défilé, les costumes et les coiffes ne représentent pas un débouché aussi important qu’autrefois pour les brodeur∙se∙s professionnel∙le∙s, qu’il s’agisse de la maison Le Minor ou des brodeur∙se∙s indépendant∙e∙s, car beaucoup de groupes de danse préfèrent, pour des raisons de coût, réaliser leurs broderies et dentelles eux-mêmes. La transmission du savoir-faire s’organise souvent en interne, soit par le biais de « passeurs » au sein du groupe même, soit en faisant intervenir des brodeur∙se∙s n’appartenant pas au groupe. Si d’aventure on fait appel à un∙e brodeur∙se professionnel∙le pour la réalisation de grandes séries, il ou elle peut choisir d’opter pour la réalisation de broderies machine. En outre, certains groupes font le choix de porter des modes moins brodées par souci d’économie, mais également pour gagner du temps. Les costumes restent néanmoins une part importante de l’activité des brodeur∙se∙s actuel∙le∙s, tout comme les tenues des bagadoù [Ill. 86].

Par ailleurs, les ornements liturgiques sont beaucoup plus sobres et moins brodés qu’autrefois. La tendance pour les chasubles est plutôt aux galons qu’à la broderie. Le travail artisanal des rares communautés religieuses qui pratiquent encore ce savoir-faire (sur des étoles, chasubles, nappes d’autel…) souffre à la fois de la concurrence des grands ateliers spécialisés dans les ornements liturgiques et de la rareté des commandes, due à la fois à la diminution du nombre de prêtres et au coût de la broderie.

À l’instar des costumes, les bannières religieuses ne sont pas toutes brodées par des brodeur∙se∙s professionnel∙le∙s, car une bannière de professionnel∙le représente un investissement important pour une paroisse ou un comité de chapelle. Un certain nombre de bannières sont donc brodées par des groupes de bénévoles. Certaines ne sont plus brodées du tout ; à titre d’exemple, le diocèse de Nantes a ainsi fait réaliser une bannière composée de photos imprimées sur bâche.

Dans ce contexte, les brodeur∙se∙s indépendant∙e∙s se voient obligé∙e∙s d’avoir une production diversifiée. Les commandes peuvent émaner de cercles celtiques ou de particuliers pour des reproductions de costumes et de coiffes anciens. Les particuliers souhaitent parfois faire compléter un costume ou une coiffe de famille, ou peuvent avoir besoin d’un costume personnel pour des défilés, des mariages et des pardons. Ils cherchent également à faire personnaliser des vêtements actuels, ou commandent des tenues exceptionnelles comme des robes de mariage et de baptême. Les brodeur∙se∙s peuvent en outre se lancer dans la création, la reproduction et/ou la restauration de bannières et de drapeaux [Ill. 87], mais également dans la réalisation de tenues de scène.

Il est également possible de s’orienter vers des secteurs plus rentables, notamment le prêt-à-porter de luxe, avec de petites séries, ainsi que le marché de l’art, par le biais d’œuvres originales brodées (tableaux, sculptures…) [Ill. 88 & 89]. Il leur est parfois nécessaire de compléter leurs revenus par une activité de couture ou d’enseignement de la broderie.
De manière générale, il est difficile pour les brodeur∙se∙s de produire tout en s’occupant des tâches administratives, de la communication et de la commercialisation. Par ailleurs, leur activité présente le désavantage d’être irrégulière et imprévisible, avec une alternance de périodes où plusieurs commandes sont susceptibles d’arriver en même temps et de périodes creuses au cours desquelles ils n’ont pas de revenus. Ces différents éléments font du métier de brodeur∙se une activité difficile, ce qui dissuade un certain nombre de professionnel∙le∙s potentiel∙le∙s de s’installer.

Bien qu’un grand nombre de personnes s’adonnent à la broderie et à la dentelle, cette pratique reste relativement invisible. Son importance est globalement sous-estimée par le grand public et les médias, sauf pour ce qui est de l’École de broderie d’art de Pascal Jaouen, dont l’activité est bien relayée par ces derniers. La part importante du travail bénévole, invisible car non comptabilisé et non médiatisé, est à la fois ce qui a sauvé le savoir-faire à l’époque critique où il a failli disparaître et la raison pour laquelle l’ampleur de la pratique est aujourd’hui méconnue et sous-estimée.
La diversité des lieux d’enseignement est le garant de la diversité des approches. Cette offre est cependant fragile car peu de personnes enseignent la broderie à l’heure actuelle, et certains lieux de cours ne reposent que sur la bonne volonté d’un seul enseignant bénévole. Si d’aventure les possibilités d’apprentissage venaient à se réduire, il existerait alors un risque qu’une vision prévale sur les autres au détriment de la diversité initiale.

 

Enfin, des problèmes dans le domaine matériel sont également à signaler, les principaux étant la moindre qualité de certains fils, qui peluchent, déteignent ou dont les couleurs sont plus ternes, ainsi que la disparition de certains coloris et numéros de fil. Les aiguilles sont également de moins bonne qualité et s’oxydent plus vite. Néanmoins, la demande de ces dernières années a eu pour effet positif de relancer la production de certains matériaux.
Il existe également des problèmes spécifiques liés aux contraintes de la reconstitution de costumes et de parures. Les matériaux actuels sont en effet plus grossiers que les anciens et ne permettent pas d’obtenir la même finesse d’exécution (tulle, fil, perles…). Le velours et le satin de soie sont de moins bonne qualité. Par ailleurs, certains textiles comme le drap de laine ne peuvent être commandés qu’en grande quantité, ce qui représente une barrière financière importante pour les associations.

Modes de sauvegarde et de valorisation
Les nombreux ouvrages parus au sujet du patrimoine textile breton concourent à mettre en valeur la broderie et la dentelle même s’ils n’y sont pas spécifiquement consacrés. En outre, depuis la fin des années 1980, quelques personnes se sont lancées dans des projets d’édition d’ouvrages de synthèse et de manuels pratiques dédiés à ces savoir-faire. En 1989 est paru le premier ouvrage technique de référence, La broderie en Basse-Bretagne, co-écrit par Geneviève Jouanic et Viviane Hélias, un petit opuscule synthétique autrefois accompagné d’une cassette vidéo, qui a ensuite fait l’objet de plusieurs rééditions. Le début des années 2000 a vu la parution des premiers ouvrages de synthèse historique spécifiquement consacrés à la broderie et à la dentelle. La production de livres sur ces savoir-faire connaît une nette progression depuis les années 2010. Il existe notamment aujourd’hui différents manuels d’apprentissage, dont quelques livres spécialement conçus pour les enfants (voir bibliographie).
Par ailleurs, l’École de broderie d’art de Pascal Jaouen commercialise des kits de broderie à partir de motifs conçus par Pascal Jaouen et son équipe. Depuis 2020, des pochettes de broderie sont également proposées à la vente avec un code permettant d’accéder à des vidéos pédagogiques sur la plateforme Viméo.

Les peintres et les photographes ont participé et participent encore à la mise en valeur de la broderie et de la dentelle en Bretagne. Au XIXe siècle, nombreux sont les peintres qui s’attachent à mettre en lumière le patrimoine textile. Aujourd’hui, on peut signaler, entre autres, les photographies de Charles Fréger pour son exposition et son livre Bretonnes consacrés aux coiffes utilisées de nos jours par les cercles celtiques.

Deux lieux sont spécifiquement consacrés à la valorisation des savoir-faire de la broderie et de la dentelle : la Maison du filet brodé (Plouénan) possède une exposition permanente de pièces anciennes et de travaux d’élèves (voir II.2) [Ill. 90], et l’École de broderie d’art de Pascal Jaouen (Quimper) dispose d’un espace dédié aux expositions, situé à l’étage du bâtiment et à l’arrière de la boutique [Ill. 91].

D’autres structures concourent également à mettre en valeur les savoir-faire de la broderie et de la dentelle à travers la valorisation du patrimoine textile. Il est en effet possible de voir une partie des collections textiles du Musée bigouden (Pont-l’Abbé), du Musée départemental breton (Quimper), du Musée de Bretagne (Rennes), de l’Académie des arts sacrés de Sainte-Anne d’Auray…, qui rendent ce riche patrimoine accessible à un large public.
Par ailleurs, des collectionneurs particuliers et des associations, telles que Gizioù Breizh Izel, organisent régulièrement des expositions temporaires de pièces anciennes, notamment l’été et parfois dans des lieux patrimoniaux (châteaux, chapelles…) [Ill. 92 & 93]. En outre, certain∙e∙s brodeur∙se∙s proposent des exposés sur les costumes brodés avec des pièces anciennes à l’appui, qui peuvent éventuellement s’assortir de démonstrations de broderie.

Quant à la broderie contemporaine, les brodeur∙se∙s exposent leurs créations dans des espaces d’exposition et des lieux patrimoniaux, mais aussi lors de fêtes, festivals, salons de l’artisanat (par exemple Toutes fibres dehors ou le Festival dentellier de Bretagne de Colpo), salons de loisirs créatifs (Créativa), salons du textile (Pour l’amour du fil)… Des expositions sont également organisées hors de Bretagne, souvent à l’initiative d’amicales de Bretons.
Dans le domaine de la création textile, il est ponctuellement possible d’assister à des défilés présentant les tenues de Pascal Jaouen [Ill. 94 & 95] et de Mathias Ouvrard [Ill. 96].

En-dehors de ces lieux, la valorisation se fait principalement par le biais de démonstrations de broderie et de dentelle [Ill. 97] et d’initiations tout public.
Les démonstrations ont notamment lieu au cours des fêtes et festivals qui ponctuent l’été en Bretagne, dont la Fête des brodeuses à Pont-l’Abbé, mais aussi, par exemple, au Musée bigouden et à l’Académie des arts sacrés d’Auray.
Outre les initiations dans les écoles pendant l’année scolaire, il existe également des initiations pour tous les âges pendant l’été, dans différents lieux comme l’Abri du Marin à Sainte-Marine [Ill. 98], ou dans des festivals, notamment au Festival de Cornouaille (Quimper), où il est possible de suivre une semaine d’initiation avec une technique par jour [Ill. 99]. Le Festival Interceltique de Lorient propose quant à lui des après-midis d’initiation à différentes techniques.

Enfin, les savoir-faire de la broderie et de la dentelle sont valorisés par certains artistes qui s’en inspirent dans leurs créations. Le fonds ancien de motifs de broderie, notamment, est une ressource pour la création actuelle. Ils sont ainsi utilisés dans l’impression textile, les bijoux, la faïence, la peinture, la sculpture, la création textile… À Pont-l’Abbé, la maison Le Minor doit en partie sa réputation à son utilisation d’œuvres originales d’artistes s’inspirant des motifs de broderie populaire, comme Toulhoat, transposés ensuite dans le prêt à porter, les foulards et le linge de maison. Des motifs de broderie sont également réinterprétés sur des pièces de vêtement contemporaines, c’est ainsi le cas des créations textiles de Val Piriou [Ill. 100] et Mathias Ouvrard [Ill. 101].

 

Actions de valorisation à signaler
Le projet Tisseurs de liens, initié par la brodeuse Annaïg Le Berre à Landerneau, rassemble 150 personnes des différentes communautés qui composent la paroisse de Landerneau pour réaliser des bannières brodées représentant les saints locaux [Ill. 102 & 103].
Dans les communes participantes, hommes et femmes bénévoles se réunissent pour broder à plusieurs mains une ou deux bannières [Ill. 104]. Quinze œuvres sont actuellement en cours ou terminées, et le projet commence à s’étendre à d’autres communes intéressées par cette démarche participative.
Ce projet met en valeur à la fois le patrimoine religieux, à travers les bannières, et le patrimoine immatériel, par le biais de la broderie et des légendes associées aux saints, tout en créant du lien social.

Sentimentale Foule, entreprise artisanale dédiée à la création de récits et à l’écriture de spectacles, a réuni en 2019 des brodeuses amatrices et professionnelles lors d’ateliers de broderie collectifs et d’un marathon de broderie [Ill. 105], sous la direction d’Inès Cassigneul, Muriel Fry et Delphine Guglielmini, pour réaliser La tapisserie du jeu de l’oie [Ill. 106]. Cet « ouvrage collectif de matrimoine imaginaire », basé sur une réécriture de la légende d’Elaine d’Astolat, a nécessité 3 300 heures de travail et une centaine de volontaires. Il est présenté dans deux spectacles de Sentimentale Foule, La carte d’Elaine et Vierges Maudites ! Cette initiative a permis de mettre la broderie, art souvent peu visible, au grand jour dans l’espace public. Une autre broderie collective est en cours, La carte de la conquête, inspirée de cartes médiévales et de tapisseries anciennes.
Par ailleurs, deux plasticiennes et une lissière d’Aubusson, basées dans le Centre-Bretagne et réunies sous le nom Trois Tisseuses de Liens, mettent en valeur la dentelle à travers des installations en plein air ou en intérieur, réalisées à partir de napperons en crochet et en dentelle donnés ou chinés, reliés par un réseau de fils et tendus sur diverses structures.

 

Modes de reconnaissance publique
La thèse de doctorat de Shantty Turck, Broder à l’époque moderne en Bretagne (1650-1850), a obtenu une ARED (allocation de recherche doctorale) de la Région Bretagne. Le Musée de Bretagne et l’association Bretagne Culture Diversité lui ont également alloué une bourse doctorale. Le projet de La tapisserie du jeu de l’oie porté par Sentimentale Foule a obtenu des subventions de la Région Bretagne et de la ville de Rennes (dispositif « les Rennais prennent l’art »).

 

Mesures de sauvegarde envisagées

Il serait nécessaire de créer un parcours professionnalisant en broderie, du CAP au DMA. En outre, les Chambres de Métiers et de l’Artisanat pourraient intégrer la broderie dans leur programme de formations.
En ce qui concerne la valorisation des savoir-faire, un conservatoire régional de la broderie et de la dentelle permettrait le rayonnement et la transmission de celles-ci, à la manière du conservatoire qui existe déjà pour les broderies de Lunéville, par exemple. Par ailleurs, une association des brodeur∙se∙s et des dentellièr∙e∙s de Bretagne pourrait aider à structurer le réseau de praticien∙ne∙s, voire à organiser des événements.

Inventaires réalisés liés à la pratique
Dossier Les coiffes en filet brodé de Bretagne, réalisé par l’association Ijin ha spered ar vro pour l’inventaire du patrimoine culturel en Bretagne : http://patrimoine.bzh/gertrude- diffusion/dossier/les-coiffes-en-filet-brode-de-bretagne/885719be-4e27-4ec2-be2b-9642ab145bb4

 

Bibliographie sommaire

Travaux universitaires
BERTHO-LECLERC Catherine, « “La bretonne en coiffe” : genèse d’un stéréotype », L’Histoire, n° 48, septembre 1982, p. 90-94.
BUFFET Henri-François, En Haute-Bretagne. Coutumes et traditions d’Ille-et-Vilaine, des Côtes-du- Nord gallèses et du Morbihan gallo au XIXe siècle, Paris, Librairie celtique, 1954.
CHOLEAU Jean, Costumes et chants populaires de Haute-Bretagne, Vitré, Unvaniez Arvor, 1953. CRESTON René-Yves, Le costume breton, Paris, Tchou, 1978 [1974].
DREAN Hervé, Le costume dans le canton de la Roche-Bernard (1789-1939), Rennes, Dastum, 1995.
GUILLOU Christiane, Les bannières religieuses. Une approche du catholicisme bas-breton. 1805- 2012, thèse de doctorat d’histoire contemporaine, Université de Bretagne Occidentale, 2013.
LAYEC Rozenn, « Du tailleur au brodeur, histoire d’un métier hors du commun », Kreiz, n° 12 (Gens de métier / Tud a vicher), 2000, p. 145-160.
LAYEC Rozenn, « Vêtement traditionnel et identité territoriale : l’exemple breton. L’influence des recherches sur l’ancien costume traditionnel dans la production d’une identité locale », MORISSET Lucie K., DIEUDONNE Patrick et SIMON Jean-François (dir.), Réinventer pays et paysages, Brest, CRBC, 2003, p. 147-160.
LE GOFF Nathalie, Les métiers du costume breton dans le pays vannetais de 1789 à 1950, mémoire de maîtrise d’histoire, Université Rennes 2, 1997.
LETHUILLIER Jean-Pierre (dir.), Les costumes régionaux entre mémoire et histoire, Rennes, PUR, 2009.
MORAND Simone, Coiffes et costumes de l’ancien comté de Rennes, des bords de Rance et du pays de Redon, Quimper, Breizh Hor Bro, 1979.
TURCK Shantty, « Ursule Louise Desprez de la Marre veuve Forestier (1687-1745) brodeuse de fils d’or et d’argent à Rennes », Bulletins et mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et- Vilaine, t. CXXII, juin 2018, p. 139-160.
TURCK Shantty, Broder à l’époque moderne en Bretagne, 1650-1850, thèse en cours, Université Rennes 2, sous la direction de Gauthier Aubert.

 

Ouvrages et articles de vulgarisation
ASSOCIATION DENTELLES D’IRLANDE BRETONNES, De la crise de la sardine à l’âge d’or de la dentelle, Rennes, Ouest-France, 2003.
BOURVON Bernadette, Pascal Jaouen, Quimper, Éditions Palantines, 2012.
CARIO Hélène et HELIAS Viviane, Broderies en Bretagne, Spézet, Coop Breizh, 2013 [2007]. CARIO Hélène et HELIAS Viviane, Dentelles en Bretagne, Spézet, Coop Breizh, 2013 [2008]. CHARLOT André et BOLZER Michel, Le costume bigouden, Spézet, Coop Breizh, 2013.
ÉCOLE DE BRODERIE D’ART PASCAL JAOUEN, Broderie. Art d’intérieur, Spézet, Coop Breizh, 2017.
DE LA VARENDE Jean, DUPOUY Auguste et LE ROY Florian, Brodeurs et broderies de Bretagne, illustrations de Mathurin Méheut, Dinan, Terre de Brume, 2009(4).
FLEITOUR Annick, « Le Minor, brodeur bigouden », Bretagne Magazine, n° 17, mai-juillet 2002, p. 98-101.
FREGER Charles, Bretonnes, Arles, Actes Sud, 2015.
GOALES Anne-Marie, POSTEC Marie-Paule, BALBOUS Paul, Le costume glazik, Spézet, Coop Breizh, 2014.
GONIDEC Jean-Pierre, Costume et société, Spézet, Coop Breizh, 2000.
GONIDEC Jean-Pierre, Coiffes et costumes des Bretons, Spézet, Coop Breizh, 2005.
GONIDEC Jean-Pierre, Les costumes de la Cornouaille maritime, Spézet, Coop Breizh, 2016. GUESDON Yann, Costumes de Bretagne, Quimper, Éditions Palantines, 2011 [2009].
GUESDON Yann, Coiffes de Bretagne, Spézet, Coop Breizh, 2014.
GUESDON Yann, Le costume breton au début du XIXe siècle, Morlaix, Skol Vreizh, 2019.
HELIAS Pierre Jakez, « Les brodeurs bigoudens », Les cahiers de l’Iroise, n° 54, avril-juin 1967, p. 74- 83.
HELIAS Pierre Jakez, Coiffes et costumes de Bretagne, Châteaulin, Éditions Jos, 1986. KENDALC’H, Mariages en Bretagne, Spézet, Coop Breizh, 2014.
LAYEC Rozenn, « La broderie bigoudène », ArMen, n° 95, juillet 1998, p. 2-11.
LE PAPE Danièle, Pascal Jaouen. War an hent… Sur la route de… Bannalec à Compostelle, Rennes, Éditions Ouest-France, 2019.
LIBOUBAN Anne, Les poupées Le Minor. Un petit monde de haute couture, Spézet, Coop Breizh, 2011.
Micheriou Koz n° 6, Les brodeurs et brodeuses du pays bigouden, 2004. MORGANT Armel, Le Minor, Spézet, Coop Breizh, 2012.
MORGANT Armel et LABBE Yves, « À Pont-l’Abbé, la fameuse maison Le Minor », ArMen, n° 122, juillet-août 2001.
ROCHEREAU Pierre, Coiffes et costumes des bords de Rance, Plouër-sur-Rance, Le Carrouge, 1989. THOLLAS Bertrand et LHOSTIS Yvette, Le costume du Trégor et du Goëlo, Spézet, Coop Breizh, 2015.
STANY-GAUTHIER Joseph, Folklore de Loire-Atlantique, 3e partie. Les costumes. Costumes de travail, costumes de fêtes des diverses régions du pays nantais, Nantes, extrait de Nantes-Tourisme, 1958.

 

Catalogues d’expositions
ASSOCIATION ANIMATION CHATEAU DE KERJEAN, De fil en aiguille. La broderie en Bretagne, Château de Kerjean-Saint Vougay, 17 juin-30 septembre 1989.
LE BRIS DU REST Erwan (dir.), Ils ont des chapeaux ronds. Vêtements et costumes en Basse- Bretagne, Quimper, Musée départemental breton, 1989.
LETHUILLIER Jean-Pierre (dir.), Des habits et nous. Vêtir nos identités, Rennes, PUR, 2007.
PRIGENT-VIEGAS Marie et BOËNNEC Solenn, Bigoudène so chic ! Mode citadine, mode paysanne. Influences croisées 1850/1910, Châteaulin, Locus Solus, 2013.
VERLINGUE Bernard Jules (dir.), Quand les brodeurs inspiraient les faïenciers, Quimper, Association des amis du musée de la faïence de Quimper, 2019.

 

Ouvrages techniques
CARIO Hélène, Fil harmonie. La Bretagne de fil en aiguille, Spézet, Coop Breizh, 2019.
ÉCOLE DE BRODERIE D’ART PASCAL JAOUEN, Glazig. Motifs à broder, Quimper, École de broderie d’art Pascal Jaouen, 2012.
ÉCOLE DE BRODERIE D’ART PASCAL JAOUEN, Bigouden. Motifs à broder, Quimper, École de broderie d’art Pascal Jaouen, 2014.
ÉCOLE DE BRODERIE D’ART PASCAL JAOUEN, Fils et perles, Quimper, École de broderie d’art Pascal Jaouen, 2017.
INSTITUT BIGOUDEN DES DENTELLES, Le picot bigouden. De l’oral à l’écrit, Pont-l’Abbé, Institut bigouden des dentelles, 2013.
JOUANIC Geneviève, HELIAS Viviane, GUICHAOUA Rosa et KERLOC’H Marie, Broderie de Basse- Bretagne, War ’l Leur / Éditions Jos, 2017 [1989].
LE BELZ Céline, Broderies traditionnelles, Paris, Éditions Carpentier, 2009.
LE GOÏC-LE GUYADER Odile, Cahier de broderie #1. Le neudé. La broderie bigoudène, Riec-sur- Bélon, Confédération War ’l Leur, 2012.
LE GOÏC-LE GUYADER Odile, Manuel de broderie. N° 1, le perlage, Spézet, Coop Breizh, 2014. LE GOÏC-LE GUYADER Odile, Mon premier manuel de broderie, Spézet, Beluga, 2016.
LE GOÏC-LE GUYADER Odile, Mon carnet de motifs. Abécédaire, Spézet, Beluga, 2017.
LE GOÏC-LE GUYADER Odile, Manuel de broderie. N° 2, sur tulle, Spézet, Coop Breizh, 2019.

 

Filmographie sommaire
Broderies picot, court-métrage super 8 réalisé par Marie de Pahlen, juillet 1979, 7’20 https://www.cinematheque-bretagne.bzh/Exploration-970-6912-0-0.html
Défilé de mode « talents aiguilles en Bretagne », reportage de Gwenaëlle Bron, Catherine Aubaile, Anne-Marie Rouanes et Olivier Mélinand pour le 19-20h – Locale Iroise, produit par France 3 Brest
– France 3 Iroise, 13 octobre 2008, 1’46
https://www.ina.fr/video/BR00001538597/defile-de-mode-talents-aiguilles-en-bretagne- video.html
La broderie bretonne, un savoir-faire inégalable, reportage de C. Magne, W. Wuillemin et
C. Marchina Bataille pour le journal télévisé de 13h de TF1, produit par TF1, 10 janvier 2020, 3’51 https://www.lci.fr/regions/video-la-broderie-bretonne-un-savoir-faire-inegalable-2142425.html
La broderie des coiffes bretonnes, la tradition du filet noué et brodé, reportage Le moulin à images, diffusé sur Tébéo, 2015, 4’08

La broderie en Basse-Bretagne, documentaire de War ’l Leur, produit par War ’l Leur et les éditions Jos, 1989, extrait 1/6(5), 2’27

La coiffe au pays bigouden, reportage de Paul André Picton, Camille Lequellec, Jean Bernard Mace et Renée-Hélène Level, produit par FR3 Bretagne Pays de Loire, 15 juillet 1977, 12’30
https://www.ina.fr/video/RXC00000957/la-coiffe-au-pays-bigouden-video.html
L’école de broderie de Pascal Jaouen, reportage de C. Louet, M. Guilcher, A. Rouanès et J. Abgrall pour le 19-20h de France 3 Iroise, produit par France 3 Iroise, 2013, 2’05

L’École de broderie de Pascal Jaouen à Quimper, reportage réalisé par la Ville de Quimper, juillet 2019, 4’32

Le monde brodé de Pascal Jaouen, documentaire de Bernadette Bourvon, produit par Aligal Production, 2020, 52’
Les brodeurs du pays bigouden, reportage d’André de Beaumont, produit par FR3 Bretagne Pays de Loire, 17 mars 1976, 13’24
https://www.ina.fr/video/RXC00000873/les-brodeurs-du-pays-bigouden-video.html
Mathias Ouvrard et Thomas Jan : des créateurs bretons inspirés par la tradition, reportage produit par France 3 Bretagne, 2017, 1’49

Spécialistes en broderie, elles reproduisent des costumes bretons, reportage de S. Salliou, F. Leroy,
H. Tiercelin et B. Thibaut, produit par France 3 Bretagne, 2019, 7’04 https://www.youtube.com/watch?v=lY35OuiuuRI

 

Sitographie sommaire

Atelier d’art Annaïg (site de la brodeuse Annaïg Le Berre) http://annaig-le-berre.france-artisanat.fr/
Brodeline (site de la brodeuse Céline Le Belz) https://www.brodeline.com/
École de broderie d’art Pascal Jaouen
https://www.pascaljaouen.com/ecoledebroderie
Ijin ha spered ar vro (site de la Maison du filet brodé) http://musee-du-filet-brode.fr/
Institut bigouden des dentelles
https://picotbigouden.com/
Musée dévoilé (blog du Musée de Bretagne, article « Des motifs de broderie de Jeanne Malivel ») https://musee-devoile.blog/2020/10/12/des-motifs-de-broderie-de-jeanne-malivel/ Sentimentale Foule (ouvrages collectifs brodés dans le cadre d’un projet théâtral) https://www.sentimentalefoule.com/TAPISSERIES
Tisseurs de liens (projet collectif de broderie de bannières) http://tisserdesliens.blogspot.com/
Trois tisseuses de liens (installations en dentelle) https://3tisseusesdeliens.wixsite.com/

Rédacteur(s) de la fiche
DIAZ Anne (coordination générale de la fiche d’inventaire et rédaction), ethnologue, association Bretagne Culture Diversité / Sevenadurioù Breizh

 

Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l’éventuel comité scientifique instauré
ARMANI Laure, praticienne (rédaction « Objets, outils, matériaux supports » : picot) ;
CARIO Hélène, praticienne et autrice (rédaction « Description détaillée de la pratique » ; rédaction
« Repères historiques » : « Broderies, dentelles et costumes ») ;
GUILLOSSOU Carine, praticienne (rédaction « Objets, outils, matériaux supports » : macramé) ;
HÉLIAS Viviane, praticienne (conseil sur « Repères historiques » : « Broderies, dentelles et costumes ») ;
JOUANIC Geneviève, praticienne et autrice (rédaction « Objets, outils, matériaux supports » : broderie sur tulle et tissu ; conseil sur « Repères historiques » XIXe et XXe siècles) ;
LE BELZ Céline, praticienne et autrice (rédaction « Évolution/adaptation/emprunts de la pratique ») ;
LE GAC Marie-Pierrette, praticienne (rédaction « Objets, outils, matériaux supports » : macramé) ;
LE GUYADER Odile, praticienne et autrice (rédaction « Description détaillée de la pratique » ; conseil sur « Repères historiques » : « Broderies, dentelles et costumes ») ;
LÉONARD Julie, ethnologue, responsable des inventaires du PCI, Bretagne Culture Diversité ; OLIVIER Yvonne, praticienne (rédaction « Objets, outils, matériaux supports » : filet noué et brodé) ; OUVRARD Mathias, praticien (rédaction « Évolution/adaptation/emprunts de la pratique ») ;
PROD’HOMME Laurence, conservatrice au Musée de Bretagne (conseil sur « Repères historiques » :
« Les brodeurs de métier citadins », « Un enseignement dédié aux filles », « Des aventures industrielles et commerciales ») ;
RIOUAL Marie, collectionneuse (conseil sur « Repères historiques » : « Broderies, dentelles et costumes ») ;
TURCK Shantty, doctorante en histoire à l’Université Rennes 2, UR Tempora (ÉA 7468) (rédaction
« Repères historiques » : « Les brodeurs de métier citadins », « Un enseignement dédié aux filles »,
« Des aventures industrielles et commerciales »).

 

L’inventaire régional s’est appuyé sur un groupe de travail composé de praticien∙ne∙s, d’universitaires et de représentant∙e∙s de certains musées. Celui-ci s’est réuni le 1er février 2020 à Lorient, le 24 octobre au manoir de Kerazan à Loctudy, et le 5 décembre en visiconférence. Ont participé au groupe de travail :
ARMANI Laure, praticienne ; CARIO Hélène, praticienne et autrice ; CHAMINAND Nadine, praticienne ; GAUTARD Renée, praticienne ; GOASDUFF Géraldine, praticienne ; GUÉGUEN Laurent, praticien ; GUILLOSSOU Carine, praticienne ; HÉLIAS Viviane, praticienne et autrice ; JOUANIC Geneviève, praticienne et autrice ; LABOURDETTE Catherine, praticienne ; LE BELZ Céline, praticienne et autrice ; LE DUIC Jocelyne, praticienne ; LE GAC Marie-Pierrette, praticienne ; LE GAC Michel, praticien ; LE GUYADER Odile, praticienne et autrice ; LE LAIN Pierre, praticien ; LE MINOR Gildas, ancien chef d’entreprise de la maison Le Minor ; LETHUILLIER Jean-Pierre, historien, Université Rennes 2 ; MAINGUY Aurélien, praticien ; NOURY Gwenaëlle, praticienne ; OLIVIER Yvonne, praticienne ; OUVRARD Mathias, praticien ; PENAULT Maryse, praticienne ; PÉRENNEC Jean-Michel, praticien ; PÉRIGAUD Armèle, praticienne ; PLÉLAN Marie-Odile, praticienne ; PROD’HOMME Laurence, conservatrice au Musée de Bretagne ; RENEDO Brigitte, administratrice du manoir de Kerazan ; RIOUAL Marie, collectionneuse ; TURCK Shantty, doctorante en histoire à l’Université Rennes 2 ; VALY Nanou, praticienne.

 

Année d’inclusion à l’inventaire
2021