Malgré le développement de la thérapeutique moderne, les médecines traditionnelles ont continué à être transmises au sein des cellules familiales et d’experts à disciples par voie orale et écrite. Celles-ci font partie intégrante du patrimoine culturel immatériel mondial. Ainsi, en Bretagne comme ailleurs, l’usage des plantes médicinales est un élément de compréhension de l’histoire et de l’environnement régional.

Plantes aux multiples qualités, le lin et le chanvre ont longtemps été indispensables à la vie quotidienne. Les graines et l’huile extraite servaient et servent toujours à l’alimentation et aux soins des hommes et des animaux. Leurs propriétés anti-inflammatoire, émolliente, adoucissante, laxative, anti-oxydante, régénérante…, permettent de prévenir ou traiter différents maux touchant principalement au système digestif et à la peau.

Si les pratiques détenues par la communauté rurale traditionnelle tendent à disparaître, la prise de conscience écologique actuelle et l’aversion envers les traitements issus de la biomédecine considérés comme trop invasifs ont contribué à développer l’intérêt des particuliers et professionnels de la santé pour les médecines alternatives dont fait partie l’herboristerie. Depuis les années 1980, des associations à vocation patrimoniale, des écoles d’herboristeries et des ethnobotanistes recueillent les pratiques locales anciennes et réapprennent à se servir des plantes sauvages ou cultivées pour se soigner.

Les communautés qui entretiennent, transmettent et font évoluer les usages médicinaux et vétérinaires du lin et du chanvre en Bretagne sont des habitants issus de ses territoires ruraux, acteurs et adeptes de la médecine populaire et traditionnelle transmise de génération en génération, des néo- ruraux qui s’intéressent à cette médecine et développent une activité professionnelle ou non en lien avec l’environnement naturel local.

 

La communauté rurale traditionnelle

Jusqu’au milieu du XXe siècle, avant la mise en place d’un système agricole productiviste qui a modifié les pratiques culturales et les paysages et le développement de la biomédecine, la communauté rurale traditionnelle bretonne employait les ressources locales, dont les plantes, pour soigner les hommes et les animaux. Les simples étaient cueillis sur les talus longeant les prairies et les chemins ou cultivés à proximité des habitations. Ainsi, l’étude des états de section du cadastre ancien permet de relever sur l’ensemble du territoire breton des parcelles nommées liorz al lin ou jardin al lin (courtil ou jardin du lin en breton), liorz canab ou jardinic ar canap (courtil, jardin ou petit jardin du chanvre en breton) situées au plus proche des bâtiments de ferme.

 

La transmission de la culture et de la transformation du lin et du chanvre, puis des remèdes qu’ils permettent de préparer à lieu au sein du cercle familial, entre générations, respectant une séparation binaire de l’espace et des tâches. « L’espace alloué à la femme est condensé sur le centre de la ferme, où la femme gère l’espace ménager (l’intérieur), les soins des animaux dont on tire une production économique (vaches, cochons, poules), ainsi que l’entretien du lieu nodal de l’exploitation, la cour. L’activité la plus représentative du travail de la femme est le soin des vaches et la production laitière. L’espace masculin embrasse l’espace des champs (l’extérieur). Le travail de l’homme est intimement associé au cheval, l’animal noble de la ferme » (Carlier, Créac’hcadec et Gall, 2011). Si cette division des tâches et de l’espace tend à s’estomper, elle reste encore prégnante dans une majorité de foyers.
Hors du cercle familial, les praticiens de cette médecine non-conventionnelle sont appelés rebouteux, guérisseurs ou diskonter (« conjureur » ou « décompteur » à qui il est demandé de chasser le mal en faisant un décompte pour le fixer sur un objet quelconque, sacré ou naturel ou sur un lieu). Ils peuvent être de sexe masculin comme féminin.

 

Si le recours à la biomédecine prédomine aujourd’hui, certains membres de cette communauté emploient encore, de manière plus ou moins régulière, le lin et le chanvre, tel que l’usage leur a été transmis. Cette communauté se réduit peu à peu avec la disparition de ses représentants les plus âgés. Par ailleurs, ces usagers ont modifié leur manière de s’approvisionner en graines et huile de lin et de chanvre. Par le passé, cette matière première provenait des cultures locales, tandis qu’aujourd’hui, elle nécessite un achat auprès de boutiques spécialisées (herboristeries ou magasins bio) ou de producteurs locaux.

 

Les nouveaux utilisateurs du lin et du chanvre : néo-ruraux, ethnobotanistes, herboristes, naturopathes, phytothérapeutes.
Les néo-ruraux désignent les nouveaux habitants des communes rurales, originaires de communes urbaines, venus parfois d’autres régions ou pays, s’installant dans un espace où ils n’ont pas d’attaches familiales. Certaines de ces personnes, en quête d’intégration et/ou ayant l’objectif de développer une activité en lien avec les ressources locales, souhaitent découvrir et connaître leur nouvel environnement. Elles s’adressent alors à des associations d’ethnobotanistes, des écoles d’herboristerie ou des herboristes indépendants qui jouent le rôle d’intermédiaires avec les communautés rurales traditionnelles et le milieu naturel local.

 

L’association Flora Armorica est un réseau de collectage des savoirs ethnobotaniques sur le territoire breton. Encadrés par des ethnobotanistes, des bénévoles sont invités à réaliser des enquêtes auprès des praticiens. Une quarantaine de personnes, issues de tous milieux, a participé entre 2008 et 2011 à ce travail d’inventaire (cf. section IV.2. infra). Les données recueillies alimentent un travail de restitution sur les usages locaux des plantes au moyen de publications, conférences, films, animations, expositions, base de données multimédia, etc. Cette enquête permet la transmission directe des savoirs entre les néo-ruraux ou la jeune génération et la communauté rurale locale et plus âgée. Ainsi, le témoignage de Christiane, bénévole enquêtrice, est rapporté ainsi : « On a appris c’est clair ! Enfin moi je ne suis pas douée sur les plantes locales. Donc c’est très intéressant quoi ! Moi je suis fan, je me soigne pas en pharmacie ! » (Carlier, Créac’hcadec et Gall, 2011, p. 15).

 

L’école bretonne d’herboristerie de Plounéour-Menez (Finistère) portée par l’association Cap santé (cf. section II.2. infra) propose tout au long de l’année une vingtaine de formations longues ou courtes destinées à un public non-initié ou professionnel. La session en cours de la formation longue qui s’étale sur deux ans accueille 55 élèves aux profils variés dont une large majorité de femmes (seuls trois hommes sont inscrits). D’âge, d’origine géographique, sociale et professionnelle différents, chaque élève a son propre objectif allant du développement de ses connaissances dans un but personnel ou professionnel à la création d’une activité professionnelle.

 

L’association Bretagne Chanvre Développement (cf. section II.2. infra) s’est donnée pour objectif de développer la culture du chanvre en Bretagne et de faire connaître les bienfaits de cette plante en terme de nutrition et de santé. En plus de créer et de commercialiser des produits à base de chanvre, elle s’adresse aux personnes qui souhaitent cultiver et transformer du chanvre pour des besoins personnels ou le développement d’une activité professionnelle. Ainsi, elle propose aux particuliers et agriculteurs une formation en ligne appelée Chanvre Légal Pro.

 

L’association et le label Bleu-Blanc-Cœur (cf. section II.2. infra) promeuvent la culture et l’utilisation de végétaux d’intérêts nutritionnels et plus particulièrement d’oléoprotéagineux (herbe, lin, luzerne, féverole, lupin…) pour l’alimentation des animaux d’élevage. Ces animaux produisent des aliments de qualité améliorée (meilleure qualité nutritionnelle, meilleure empreinte environnementale, plus de goût…). Ce label repérable dans toutes les moyennes et grandes surfaces et développé dans la restauration collective (cantines scolaires et hospitalières) invite le plus grand nombre de consommateurs à acheter des produits porteurs d’une plus-value nutritionnelle.

 

Ces dernières années, la conjugaison de la publication de nombreux articles scientifiques ou parascientifiques dans la presse spécialisée et de l’intérêt des néo-ruraux pour les bienfaits du lin et du chanvre a induit l’introduction de ces deux plantes dans l’alimentation sous forme de graines brutes, décortiquées, écrasées, de farine, d’huile ou autres produits transformés dans le but d’améliorer sa santé. Vendus sur les marchés, dans les salons et magasins spécialisés (herboristeries ou bio), auprès de producteurs-transformateurs, tel « L’Chanvre », situé à Gouarec (Côtes d’Armor), et sur Internet, ces aliments sont achetés par des utilisateurs très divers, curieux de découvrir le goût de ces plantes, souhaitant réduire leur impact sur l’environnement (aliment végétal, local, biologique…) et souhaitant compléter l’apport nutritif de leurs repas.

Lieu(x) de la pratique en France
Jusqu’au XIXe siècle, le lin et le chanvre étaient cultivés pour les besoins du quotidien dans la quasi-totalité des campagnes françaises. Peu à peu, selon la qualité de leur terre et de leur climat et l’importance de la demande industrielle, certaines régions françaises se sont spécialisées, à différentes périodes, pour cultiver le lin à fibres ou à huile et le chanvre industriel.

Les variétés de lin textile et oléagineux ont été séparées à la fin du XIXe siècle. Le lin textile est devenu une culture spécifique de la Normandie au Nord de la France. Le lin oléagineux est principalement cultivé dans une grande bande allant des Pays-de-la-Loire et de la Nouvelle- Aquitaine jusqu’à la Bourgogne-Franche-Comté en passant par le Centre-val-de-Loire et en Occitanie. Après un déclin important, la culture du chanvre se développe à nouveau, plus particulièrement dans l’Aube, en Vendée et dans leurs départements voisins.

De même, en territoire breton, ces plantes ont été cultivées pour les usages locaux ainsi que pour la production de toiles dédiées à l’exportation. La culture du lin textile était pratiquée principalement sur les zones côtières du Léon et du Trégor, tandis que le chanvre était avant tout semé en Cornouaille et dans le pays rennais. Aujourd’hui, si la culture de lin textile a disparu de la région, le lin oléagineux est cultivé en Ille-et-Vilaine et en Loire-Atlantique. La culture du chanvre est, quant à elle, pratiquée sur des surfaces de plus en plus grandes à l’Est de la région, au centre des Côtes d’Armor et dans le Finistère sud.

 

Pratique similaire en France et/ou à l’étranger
Le lin textile ou à fibres est cultivé en Europe de l’Ouest sur une large bande côtière qui s’étend du Sud de la Normandie au Nord de la France, de la Belgique aux Pays-Bas. 80% de la production mondiale de fibre de lin teillé est d’origine européenne et la France en est le leader mondial avec 98 000 hectares en 2018. La culture de lin textile est également pratiquée de manière importante en Égypte, Ukraine, Biélorussie, Russie et Chine.

Le Canada est le premier producteur mondial de lin oléagineux ou à graines, rejoint ces dernières années par le Kazakhstan et la Russie. Viennent ensuite la Chine, l’Inde, l’Angleterre et certains pays de l’Europe de l’Est comme la Pologne. Avec 24 400 ha de culture de lin à graines en 2018, la France est placée à la deuxième place des producteurs européens après le Royaume-Uni.

La Chine est aujourd’hui le plus grand producteur de chanvre industriel mondial, suivi par les pays européens et le Canada. Les remèdes à base de graines de chanvre font partie de la pharmacopée traditionnelle chinoise. En Europe, la France en est le premier cultivateur avec 16 400 ha en 2017. Seuls les produits médicaux issus du chanvre industriel ou cannabis sativa (espèce de chanvre contenant moins de 0,2 % de THC) sans utilisation des feuilles et des fleurs y sont autorisés.

La culture du chanvre indien ou cannabis (cannabis indica, sous espèce du cannabis sativa) à des fins médicinales et la fabrication de médicaments ayant pour principe actif du CBD voire THC sont autorisés et développés dans une trentaine de pays dans le monde selon des conditions différentes. À l’heure actuelle, le plus grand producteur de cannabis légal est le Canada.

 

 

Des savoirs et savoir-faire particuliers ont été transmis au fil des générations et se pratiquent aujourd’hui, sur tout le territoire breton, pour traiter les maux courants chez l’homme et l’animal.

 

Les vertus thérapeutiques du lin et du chanvre, socle des pratiques médicinales
Si le lin et le chanvre sont cultivés et utilisés surtout pour leurs qualités textiles, leurs vertus thérapeutiques sont également reconnues : les deux herbacées possèdent en commun des caractéristiques et propriétés qui permettent de les comparer.

 

Le lin (linum usitatissimum) est une herbacée annuelle à croissance rapide. Semé en mars-avril, il est en fleur en juin et récolté 100 jours après le semis, lorsque sa taille atteint près de 1 m. Le lin comporte aujourd’hui plusieurs centaines de variétés, dont les productions principales sont les fibres (lin textile) et les graines (lin oléagineux). Les graines de lin renferment environ 40 % d’huile riche en acide alphalinoléique (oméga-3) et en acide linoléique (oméga-6) (deux des acides gras essentiels), près de 25 % de protéines, environ 10 % de mucilage et des traces d’hétérosides cyanogénétiques. Selon la façon dont elles sont préparées et administrées, les semences de lin offrent des propriétés émollientes, adoucissantes, laxatives, anti-inflammatoires ou vermifuges.

 

Le chanvre (cannabis sativa) est une herbacée annuelle à feuilles palmées et à croissance rapide. Son nom latin (cannabis, deux tiges) rappelle qu’il est dioïque ; il possède des plants mâles et femelles séparés. Semé fin avril-début mai, le chanvre est récolté 120 jours plus tard ; sa taille peut dépasser 4 m. Le chanvre contient deux acides gras essentiels, de l’acide linoléique (oméga-6) et de l’acide alphalinolénique (oméga-3). Il est également riche en vitamine D et E, en acides animés, en protéines dites « complètes », en minéraux et en fibres. Enfin, il comprend du cannabidiol ou CBD. Les propriétés principales du chanvre sont les suivantes : émollientes, hydratantes, relipidantes, réparatrices, protectrices, raffermissantes, analgésiques, anti-inflammatoires et calmantes.

 

Les usages médicinaux du lin
En infusion et décoction (usage interne), la graine de lin peut être administrée aux êtres humains ainsi qu’aux vaches et aux chevaux pour lutter contre les problèmes digestifs. Plant Breizh evit ho yec’hed (Ar Floc’h, 1993), qui publie quelques recettes aux vertus laxatives, conseille de mettre une grande cuillerée de graines ou de farine de lin à tremper dans un verre d’eau pendant la nuit et de le boire en se levant le lendemain matin. Du miel peut être ajouté à la décoction, qu’il est préférable de boire tiède. Pour traiter les maux d’estomac, d’intestin, de reins ou de vessie, il préconise de boire de l’eau dans laquelle a été laissée bouillir, de 1 à 2 heures, une poignée de farine de lin. Selon l’auteur, « Evañ al lin gant an dour, rak n’eo al louzoù-se na dañjerus na doñjerus » (« Buvez du lin avec de l’eau car ce médicament n’est ni dangereux ni écœurant »).

 

Avec une bouillie faite de graines écrasées, la médecine vétérinaire continue à « purger » les bêtes, en leur administrant des graines de lin écrasées, mélangées ou non à leur alimentation, pour lutter contre la constipation, le gonflement ou tout autre problème de digestion. L’Enquête sur les remèdes traditionnels en Bretagne (Auray, 2011) cite plusieurs exemples de recettes utilisant les propriétés laxatives du lin. Pour prévenir ce mal chez les cochons, à Saint-Martin-sur-Oust (Morbihan) : « On mettait des pataches (patates) à bouillir dans une chaudière et puis on mettait dedans une jointrée (contenue de deux mains) de graines de lin parmi les pommes de terre. Ça aidait les truies à évacuer et en même temps c’est très sain. Ça peut pas faire de mal » (Auray, 2011, p. 46). À Saint-Urbain (Finistère), Jean-Yves Salaün, agriculteur, laisse tremper deux poignées de graines de lin (greun lin, en breton) pendant une demi-heure dans de l’eau chaude avant de faire avaler la totalité de cette préparation aux veaux ou vaches souffrant de constipation. François Le Bris, éleveur et enseignant en équitation à Crozon (Finistère), a appris de ses grands-parents et de son père leveurs, le remède suivant pour faciliter la digestion et vermifuger les chevaux : administrer une fois par mois un bol de graines bouillies deux à trois jours avant la pleine lune, puis à nouveau quatorze jours après le premier traitement. En médecine traditionnelle, la reproduction des parasites est réputée en effet suivre le même cycle que la lune (28 jours). Cette recette qu’il pratique et transmet à ses élèves est conseillée à chaque début de saison, trois fois dans l’année, dès la pleine lune de février.

 

En usage externe, le lin peut être utilisé sous forme de cataplasmes et de sinapismes. Appelés palastroù ou palastrenn (« plâtrages ») en breton, les cataplasmes ou synapsismes, dans leur version chaude, permettent de traiter de nombreux maux (coups de froid, rhumes, bronchite, maux de ventre, douleurs menstruelles et musculaires…), en appliquant sur une partie du corps (poitrine, dos, membres ou bain de pied), entre deux linges, des produits bouillis. Selon Loeiz ar Floc’h, « ur palastr had lin graet gant gwin ruz a zo mat evit kement gouli a zo » (« un cataplasme de graines de lin et de vin rouge permet de traiter n’importe quelle plaie ») et la farine de lin en cataplasme est connue pour extraire les inflammations des membres (Ar Floc’h, 1993, p.74). Selon Christophe Auray, aux Fougerêts, on soignait les bronchites en plaçant des cataplasmes de graines de lin sur la poitrine ; de fait, l’enquête de Flora Armorica menée de 2008 à 2011 a recensé l’usage de la farine de lin sous cette forme à Scaër et Braspart (Finistère). Les graines de lin appliquées en cataplasme permettent de lutter contre la toux, l’angine et la bronchite à Spézet (Finistère). Pour traiter les crevasses ou coupures autour des paturons des chevaux (strouchoù, en breton), François Le Bris conseille d’appliquer des cataplasmes de graines bouillies de lin et de chanvre ajoutées à du beurre doux. Jean-Yves Salaün rapporte également un traitement utilisé pour soigner les boiteries des bovins causées par des inflammations et panaris. Au préalable, un kilogramme de graines de lin est mis à tremper dans de l’eau chaude pendant une vingtaine de minutes. Cette préparation est versée dans un sac en toile épaisse dans lequel on glisse le pied de la vache blessée ; le tout est fermé à l’aide d’une ficelle. Une journée plus tard, après mûrissement de l’abcès, la bête est libérée de son pansement.

 

Toujours en usage externe, les coussins ou bouillottes sont un exemple actuel de redécouverte des vertus des graines de lin. L’huile contenue dans les graines permet d’emmagasiner la chaleur et de la restituer doucement. L’utilisation de ces bouillottes sèches est largement répandue. Selon de nombreux témoignages recueillis, achetées en parapharmacie, boutique bio ou confectionnées à la maison, elles sont employées, préalablement chauffées dans le four, le micro-ondes ou sur le poêle, pour calmer un mal de rein ou un torticolis.

 

Enfin, l’huile de lin mélangée à de l’eau de chaux permet d’obtenir du liniment connu depuis long- temps et encore employé pour traiter les brûlures et les érythèmes fessiers des enfants.

 

Les usages médicinaux du chanvre
En usage interne, la graine de chanvre peut être utilisée en infusion et décoction pour les hommes comme pour les animaux à la fois contre la constipation et la dysenterie. Elle est réputée, entre autres, réduire le cholestérol et la tension artérielle.

 

En usage externe, le chanvre peut servir aux pratiques de massage à l’huile. Les graines produisent une huile sèche particulièrement intéressante pour les soins de la peau, dont les propriétés sont nombreuses (antioxydante, raffermissante, régénérante, anti-inflammatoire, émolliente…). Ainsi, elle est reconnue pour les soins cutanés quotidiens et pour prévenir ou traiter l’acné, l’eczéma, la couperose, le psoriasis… L’huile de chanvre est également utilisée comme cosmétique naturel pour nourrir les cheveux et les ongles. Pierre-Yves Normand, transformateur de chanvre, signale la forte demande en huile de chanvre, notamment pour soigner ou prévenir les gerçures des agriculteurs et autres personnes se servant de leurs mains dans leur travail. L’huile de chanvre peut également être utilisée, en usage externe, sous forme de cataplasmes, pour traiter les inflammations de la peau telles que les brûlures (notamment liées à la radiothérapie), les coups de soleil ou faire sortir un furoncle.

 

Comme l’huile de lin, l’huile de chanvre est employée pour fabriquer du liniment.

 

En homéopathie, la dilution d’apocynum cannabinum (racine du chanvre du Canada) est indiquée contre les atteintes rénales avec albuminurie et urémie et comme tonique cardiaque.

 

Actuellement, des produits dérivés du cannabidiol ou CBD sous forme d’huile, de comprimés, de spray ou de bonbons sont parfois autorisés à la vente s’ils ne contiennent aucun THC. Ils sont réputés pour lutter contre les troubles du sommeil, la migraine, l’anxiété et la dépression, les nausées et vomissements…

Trois langues ont été et sont encore employées sur le territoire breton.

Le français est employé par l’ensemble de la population dans toute la région. Le breton en Basse- Bretagne et le gallo en Haute-Bretagne sont deux langues plus fréquemment employées en zone rurale et plus particulièrement pour tout ce qui touche à la description de son paysage et de la nature.

Transmettre les expressions populaires dans leur langue vernaculaire permet de découvrir les différents usages des plantes. Ainsi, le terme breton louzoù est employé communément en Basse-Bretagne, au sens de « médicament », mais peu de locuteurs en connaissent la complexité étymologique : louzoù signifie à la fois « remède », « herbe médicinale » et « pesticide » (au sens de soigner les cultures).

 

Quelques exemples de remèdes réalisés à partir du lin et du chanvre exprimés en breton ou en gallo :
dornad had lin : poignée de graines de lin (breton)
dour had lin : eau de graines de lin (breton)
eoul lin : huile de lin (breton)
• jointrée de graines de lin : contenu de deux mains de graines de lin (gallo)
• loaiad had lin : cuillérée de graines de lin (breton)
palastr ou palastrenn had lin : « plâtrage », cataplasme ou sinapisme de graines de lin (breton)

Objets, outils, matériaux supports
Drap et compresse : outre l’usage des graines de lin et de chanvre sous diverses formes (huile, farine, graines écrasées…), la toile confectionnée à partir de ces deux plantes est elle-même employée pour les soins. Les draps, changés régulièrement au cours des soins, en font partie intégrante. Le mot linceul qui signifie « drap », « couverture » ou « rideau de lin » vient d’ailleurs du latin linteum « petite pièce de lin ». La toile peut également servir à confectionner des compresses ou des enveloppes pour les cataplasmes ou sinapismes.

Ceinture de végétaux : le lin et le chanvre ont une tige idéale pour fabriquer une ceinture. Les végétaux constituent ici un objet impliqué dans un rituel magique. La ceinture est placée autour des reins, en prévention ou guérison, afin de lier le mal, en particulier en cas de douleurs lombaires, de rein et de dos. Le guérisseur ajoute souvent une prescription chiffrée pour augmenter les chances de rétablissement : « faire trois tours autour du feu » ou « trois ficelles, trois plants, trois tiges »…

Seringue de lavement : une longue seringue peut être employée pour effectuer un lavement sur les chevaux et bovins qui souffrent d’indigestion, météorisation ou colique.

Coussin et bouillotte : des coussins ou bouillottes sèches confectionnés en toile de lin et remplis de graines de lin, préalablement chauffés, sont conseillés en application sur différentes parties du corps pour relaxer les muscles et soigner les douleurs musculaires.

Modes d’apprentissage et de transmission
Au sein de la communauté rurale, les modes d’apprentissage et de transmission des savoirs et savoir-faire médicinaux traditionnels liés au lin et au chanvre sont l’observation et la parole. C’est l’observation attentive et répétée d’un geste qui permet d’acquérir une notion (une cueillette, une recette, un soin…), plus que la parole. Ce partage s’effectue prioritairement au sein d’une même cellule familiale, entre parents et enfants ou grands-parents et petits-enfants et peut également avoir lieu entre pairs (voisins, amis, collègues…). Jusqu’à un passé récent, la société traditionnelle bretonne était organisée selon une répartition sexuée de l’espace et des tâches. Ainsi, les femmes étaient garantes des soins à donner à l’intérieur du foyer (enfants, personnes âgées) et aux animaux qui offrent une production économique tandis que les hommes étaient responsables des soins à apporter au cheval.
À partir des années 1970, l’émergence d’associations de collectage du patrimoine immatériel a permis à la communauté rurale de transmettre ses connaissances aux chercheurs en Histoire ou ethnobotanistes, qui ont transcrit les savoirs dans des ouvrages accessibles au grand public.

 

Le travail de recherche et de communication mené par les associations Lin & Chanvre en Bretagne et ses adhérents, Cap santé, Bretagne Chanvre Développement, Bleu-Blanc-Coeur, Flora armorica permet la transmission des connaissances et des usages liés au lin et au chanvre, à la fois par l’écrit (publications spécialisées et grand public, expositions), par l’oralité (conférences, salons, rencontres) et par la pratique (organisation de formations, d’ateliers et de stages pratiques).

 

Les personnes formées par l’École d’herboristerie bretonne Cap santé transmettent à leur tour des savoirs et pratiques liés au lin et au chanvre, dans le cadre de leur activité professionnelle (herboristes, infirmiers, pharmaciens ou préparateurs en pharmacie, jardiniers, médiateurs, chercheurs) ou dans un cadre personnel (famille, amis ou connaissances).

 

La transmission s’effectue également par le bouche-à-oreille. Les visiteurs des musées adhérents du réseau Lin & Chanvre en Bretagne ou des salons auxquels participe le réseau découvrent les bénéfices pour la santé de ces deux plantes, les utilisent et les transmettent à leur tour.

 

Personnes/organisations impliquées dans la transmission
Créée en 1995 et basée à Plounéour-Menez (Finistère), l’association Cap Santé s’est donnée pour objectif d’étudier, de pratiquer et de diffuser les connaissances et les méthodes naturelles de maintien et de protection de la santé. Elle propose des formations longues, ateliers pratiques, sorties botaniques, stages et conférences destinés à tous les publics et aux professionnels dans le cadre de la première école d’herboristerie bretonne ouverte en septembre 2013. Douze formateurs (naturopathes, phytologues herboristes, producteurs de plantes, conseillère de santé en nutrition et phytothérapie, infirmières, ingénieur agronome…) y apportent leur enseignement. Les différents usages médicinaux du lin et le chanvre sont abordés dans le cadre de la formation longue ainsi que, régulièrement, dans des ateliers pratiques. Ainsi, dans le programme de l’année 2020, un atelier intitulé Lin, chanvre et cameline proposé en avril, aborde l’histoire, la culture, les intérêts et usages (fleur, graine, fibre, huile) et la réalisation de recettes salées et sucrées. Elle est aussi organisatrice du festival Le printemps des simples à Plounéour-Menez, qui a rassemblé 3000 visiteurs en juin 2013.

 

L’association Bretagne Chanvre Développement, créée en 2003 dans le sud-Finistère, a pour vocation de développer la culture du chanvre en Bretagne et de faire la promotion des différentes applications légales du chanvre. Elle conçoit des produits à base de chanvre. Les fleurs récoltées permettent le brassage de bière ; les graines servent à produire de l’huile ou de la farine pour l’alimentation ou divers traitements corporels. L’équipe d’entrepreneurs qui constitue l’association propose des formations aux agriculteurs ou particuliers qui souhaitent cultiver et transformer du chanvre.

 

Créée en 2000 et reconnue par les ministères de l’Agriculture, de l’Environnement et de la Santé, l’association Bleu-Blanc-Cœur a peu à peu imposé son label, qui mise sur l’amélioration de la qualité nutritionnelle et environnementale de l’alimentation des animaux impactant ainsi positivement la santé de ceux-ci, de la Terre et des hommes. L’entreprise Valorex (Ille-et-Vilaine), qui étudie le potentiel naturel des graines oléoprotéagineuses et des végétaux, est à l’origine de l’association et du label et a d’abord porté son intérêt sur la graine de lin cuite, riche en Oméga 3. Cardiologues, diabétologues, biochimistes, nutritionnistes… une vingtaine de chercheurs indépendants composent le conseil scientifique du label Bleu-Blanc-Cœur. L’association a ainsi publié quatre études cliniques chez l’homme démontrant l’intérêt pour la santé (diabète, maladies cardiovasculaires, obésité…) d’une alimentation issue d’élevages mieux nourris. Elle fait valoir un socle scientifique reposant sur plus de 170 publications scientifiques.

Originaire d’Asie centrale, le chanvre a été domestiqué dès le Néolithique. Les plus anciennes traces de culture se trouvent en Anatolie et datent de 850 ans avant J.-C. Il s’est ensuite répandu sur chaque continent. Attesté en Bretagne dès le IXe siècle d’après les analyses palynologiques, son exploitation se développe à partir du XIIe siècle. Quant au lin, sa culture est connue au début du Néolithique (8000 avant notre ère) au sein du Croissant fertile, dans les frontières actuelles de l’Irak. En France, il aurait fait son apparition en 5700 ans avant J.-C. sur les côtes de Provence et du Languedoc et il concurrence le chanvre en Bretagne à partir du XIIe siècle. Accompagnant la sédentarisation de l’homme et les premières pratiques agricoles, ces deux plantes ont été rapidement mises à profit pour leurs multiples intérêts (qualité de leurs fibres, richesse nutritionnelle, vertus médicinales…) et sont observées depuis l’origine par les botanistes, les savants et les médecins.

 

Les premières traces d’un emploi médicinal du lin semblent remonter au minimum à l’Antiquité, selon les écrits d’Hippocrate (Ve s. avant J.-C.). Un siècle plus tard, Théophraste met en avant les propriétés adoucissantes des graines pour soigner les toux sèches (lin provient du latin linire, adoucir). Dioscoride, bien plus tard, précise encore davantage le champ thérapeutique du lin. Au Moyen Âge, son huile est célébrée par les médecins pour sa douceur et l’école de Salerne lui donne de nouvelles propriétés médicinales (apéritive, diurétique). Au XVIe siècle, l’huile supplante tout à fait le traditionnel emploi de la graine et remet au goût du jour les pratiques médicinales liées au lin. Au début du XXe siècle, l’huile de lin médicinale perd peu à peu de sa réputation, jusqu’à être interdite en France en raison d’une possible toxicité du produit. Jusqu’à nos jours, toutefois, la médecine populaire a perpétué l’usage des graines et de la farine de lin dans l’alimentation ou comme soin, sans rien ajouter aux indications millénaires.

 

La première mention d’une application médicale du chanvre remonterait à 2800 ans avant J.-C., dans un traité de pharmacologie de médecine traditionnelle de l’empereur de Chine Shennong. De 1500 à 200 ans avant J.-C., le cannabis fut utilisé comme médicament en Inde et sur les pourtours de la Méditerranée (Perse, Égypte, Grèce…). Il est cité par les médecins et historiens grecs Galien, Dioscoride et Hérodote. Dans la médecine arabe (VIIIe-Xe siècle), le chanvre est passé du statut d’antidote à celui de poison, selon les médecins. Au Moyen Âge, l’abbesse allemande Hildegarde de Bingen repéra les intérêts nutritifs du chanvre et, au XVIe siècle, le pantagruelion, plante aux multiples vertus, inspirée du chanvre, du lin et d’eupatoire et de cuscute, émergea de l’imagination de Rabelais dans le Tiers Livre des faits et dits Héroïques du noble Pantagruel. Aux XIXe-XXe siècles, du fait de savants britanniques, le chanvre fut considéré comme un remède pour divers maux, mais vers le milieu du XXe siècle, la perception du chanvre en Occident évolua, l’assimilant à un stupéfiant dangereux. En 1925, la Convention internationale de l’opium, ratifiée par la Société des Nations, bannit le cannabis et ses dérivés, sauf en usage scientifique et médical. Le Royaume-Uni l’interdit en 1928. Aux États-Unis, la culture du chanvre disparut avec la décision de taxer la marijuana à partir de 1937. En France, le cannabis est retiré de la pharmacopée officielle en 1941 et en 1953. La perception s’est renversée seulement de manière récente. Depuis 2013, en France, un décret autorise la mise sur le marché des médicaments contenant du cannabis. En 2018, trente-trois États d’Amérique du Nord ont autorisé l’usage de la marijuana pour se soigner, le Canada a voté la légalisation du cannabis récréatif et, en France, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a reconsidéré l’interdiction d’utilisation récréative et médicale, en concluant à l’usage possible du cannabis à visée thérapeutique dans certaines situations cliniques.

 

En Bretagne, depuis des milliers d’années, le lin et le chanvre sont employés au quotidien par les habitants de la région bretonne. Comme dans toutes les régions de culture et de récolte, ils ont été employés comme plantes médicinales pour les soins des êtres humains et des animaux. Ainsi, le lin est mentionné dans l’ouvrage Plant Breiz evit ho yec’hed de Loeiz ar Floc’h, fameux colporteur originaire du pays du Léon, qui proposait remèdes et ouvrages de médecine humaine et animale dans tout le territoire breton au début du XXe siècle. En parallèle de la transmission intergérationnelle, les livres de vulgarisation étudiés dans le cadre de formation scolaires ou professionnelles et les feuilles volantes diffusées par des colporteurs ont joué un rôle dans la transmission des connaissances en Bretagne.

Le lin et le chanvre ont été des produits indispensables permettant de concevoir outils, habillements et médications nécessaires au développement des communautés et de leurs cultures, jusqu’à la fin du XIXe siècle.

 

Au cours du XXe siècle, les usages médicinaux et vétérinaires traditionnels du lin et du chanvre sont devenus marginaux pour plusieurs raisons. L’exode rural qui a marqué la population bretonne a emporté avec lui les pratiques anciennes de prévention et de soins. L’émergence et le développement de la biomédecine ont apporté des solutions qui paraissaient « moderne » et donc plus efficace à la société traditionnelle en place. La disparition des derniers représentants de la communauté rurale traditionnelle a continué d’effacer peu à peu les savoirs et savoir-faire transmis de génération en génération.

 

En parallèle, des produits transformés à partir du lin et du chanvre ont été interdits pour des raisons sanitaires. En France, l’huile de lin a été rendue interdite à la consommation des années 1950 jusqu’en 2009 à cause de son instabilité et de sa fragilité dans le temps. Le chanvre et tous ses dérivés ont été retirés de la pharmacopée officielle française à partir de 1941 à cause de sa teneur en THC.
Malgré tout, dès le début du XXe siècle, la perception de la disparition de la richesse culturelle que représentent les connaissances liées à la nature léguées par nos ancêtres a suscité une volonté de préservation et de compréhension de ces savoirs.

À partir des années 1930, le collectage de la mémoire orale mené par des musées et associations de valorisation du patrimoine nationaux et régionaux a permis de retrouver et enregistrer un grand nombre de pratiques, puis de les transmettre et réadapter.

 

L’installation de nouveaux habitants en zone rurale, pratiquant des loisirs (équitation, jardinage…) ou développant une activité liée à l’environnement et au patrimoine naturel, a amené les habitants plus anciens à transmettre, réemployer et adapter des pratiques médicinales parfois oubliées.

 

Depuis la dernière décennie, la perception négative de ces deux plantes s’est entièrement retournée et profite d’un intérêt général pour la phytothérapie. De plantes oubliées, voire dénigrées, le lin et le chanvre bénéficient aujourd’hui d’une réputation de « super-aliments » ou « remèdes magiques ». Lorsqu’ils vont à la rencontre du grand public, les acteurs du réseau Lin & Chanvre en Bretagne remarquent un véritable engouement de la part des visiteurs pour les bienfaits des deux plantes.

La provenance des graines et de l’huile de lin ou de chanvre a évolué. Ces produits qui provenaient auparavant des cultures pratiquées pour les besoins personnels et quotidien des communautés rurales, nécessitent aujourd’hui un acte d’achat. Les praticiens et usagers actuels se fournissent auprès de boutiques spécialisées en alimentation biologique, en diététique et en parapharmacie naturelle, par Internet ou directement auprès de producteurs locaux.

Les principales menaces qui affectent les usages médicinaux et vétérinaires du lin et du chanvre et leur transmission sont de différents ordres :

 

• L’interruption progressive, en Bretagne comme ailleurs en France, de la transmission orale par les langues vernaculaires au cours du XXe siècle. Aussi, les savoirs et expressions populaires et régionales s’évaporent peu à peu avec la disparition de ces langues et de leurs locuteurs de naissance. Les personnes détentrices de connaissances fines, en gallo et en breton, sur les praticiens et sur leurs écosystèmes se raréfient en même temps que les chercheurs et ethnobotanistes capables de les interroger dans leur langue maternelle ;
• La défaillance de la transmission au cours du XXe siècle du fait du peu d’intérêt des nouvelles générations pour l’utilisation médicinale des plantes et de la fin des sociétés rurales traditionnelles ;
• La régression de la transmission intergénérationnelle, dans le cadre de la pratique traditionnelle ;
• La disparition progressive des derniers utilisateurs traditionnels ;
• La prégnance de la biomédecine et la recherche d’immédiateté peu compatible avec la culture, la transformation et l’utilisation de plantes médicinales ;
• La difficulté de structuration d’une filière bretonne autour du lin et du chanvre et le risque de récupération des autorisations de culture et de transformation par des gros groupes agroalimentaires ;
• Les débats entre chercheurs autour des études scientifiques, pharmacologiques et chimiques réalisées, pour valider les pratiques traditionnelles et les usages médicaux et vétérinaires du lin et du chanvre.

Modes de sauvegarde et de valorisation
Le site Internet de l’association Lin & Chanvre en Bretagne, renouvelé en 2016 et régulièrement remis à jour depuis, est un portail de connaissances autour du lin et du chanvre. Pour partie, ses rubriques ont pour objectif de mettre en avant l’importance de ces deux plantes dans l’histoire de la Bretagne et valoriser le patrimoine culturel linier et chanvrier.
Lin & Chanvre en Bretagne travaille aussi sur un projet de « route des Toiles », utilisant des outils numériques et la réalité augmentée, avec l’aide d’un comité scientifique.

 

Actions de valorisation à signaler
Association Dourdon
En 2005, à l’initiative de l’association Dourdon, membre du réseau de Lin & Chanvre en Bretagne, a été organisée « l’année du Lin en pays de Landerneau-Daoulas » (22 communes) : édition, conférences, tables rondes sur le thème de la culture et de la transformation du lin et du chanvre, qui ont permis au public de se réapproprier cette histoire. Dourdon poursuit un travail de collectage et de recherche sur l’histoire linière sur son territoire.

Association Lin & Chanvre en Bretagne
En 2012, le réseau régional Lin & Chanvre en Bretagne a initié une centaine de manifestations sur tout le territoire breton autour du lin et du chanvre, faisant de cette année-là l’année du Lin et du Chanvre en Bretagne. Associations, musées, communes ont mis en œuvre des événements : expositions, conférences, démonstrations, cultures et fleurissements… Chaque année, Lin & Chanvre en Bretagne participe à des manifestations (festivals, fêtes maritimes, salons), où elle propose ateliers, formations et conférences pour faire connaître le patrimoine culturel linier et chanvrier de Bretagne.

Association Bretagne Chanvre Développement
Créée en 2003 dans le sud-Finistère, Bretagne Chanvre Développement vise à relancer la culture du chanvre en Bretagne et à faire la promotion des différentes applications légales de cette plante. Son projet s’inscrit dans « l’économie bleue ». En concevant des produits à base de chanvre, l’association répond à la demande croissante d’une nourriture locale, saine et aux propriétés nutritives particulièrement intéressantes. Les fleurs récoltées permettent le brassage de bière ; les graines servent à produire de l’huile ou de la farine pour l’alimentation ou divers traitements corporels. L’équipe d’entrepreneurs qui constitue l’association propose des formations aux agriculteurs ou particuliers qui souhaitent cultiver et transformer du chanvre.

 

Modes de reconnaissance publique
L’association Lin & Chanvre en Bretagne bénéficie du soutien indéfectible de son projet depuis sa création en 2007 par la région Bretagne. Une dizaine de collectivités territoriales, membre du réseau Lin & Chanvre en Bretagne, s’appuie sur l’expertise de l’association dans le domaine du patrimoine linier et chanvrier.

Après avoir été une matière noble conservée jalousement dans les armoires familiales et transmis dans les trousseaux de mariée, le lin est devenu synonyme du passé, comme l’expression « linge qui gratte », souvent répétée, le démontre. Aujourd’hui, le lin retrouve une image positive, gage de qualité et de bien-être, aussi bien dans l’univers de la mode et de la décoration que dans les domaines de l’alimentation et de la santé. Ainsi, les « pains au lin » se trouvent facilement dans les boulange- ries artisanales comme dans celles des grandes surfaces.

 

Le chanvre véhicule depuis longtemps une image ambiguë, liée au fait qu’il contient des substances psychotropes. Les agriculteurs subissent depuis les années 1940 les réglementations strictes liées à cette culture, qui maintiennent une certaine confusion au sein de la population et des représentants de l’État entre les différentes sous-espèces du chanvre (cannabis sativa) et leurs usages, chanvre industriel ou textile et chanvre utilisé pour un usage médical ou récréatif.

 

Dans le cadre de cet inventaire, nous avons donc interrogé ou repris des témoignages de membres de différentes communautés bretonnes liés à notre réseau ou à celui des associations précédemment citées. Des liens ont été établis avec l’association Dastum qui travaille depuis 1972 au collectage et la valorisation du patrimoine immatériel de Bretagne.

 

L’association Dastum (« recueillir » en breton) est créée en 1972 par un groupe de musiciens qui souhaite retourner aux sources de la musique bretonne et celtique. Les membres de l’association s’adressent aux collecteurs et aux organismes, qui leur fournissent des copies de leurs enregistrements, puis, à l’aide d’un réseau de correspondants, parcourent les territoires pour enregistrer eux-mêmes des chanteurs, instrumentistes et autres témoins. Ce travail de collecte, toujours en cours, a permis de sauver de l’oubli et de mettre à la disposition du public une masse considérable de documents sonores, écrits et iconographiques permettant de mieux comprendre la culture bretonne, notamment populaire. Depuis sa création, Dastum s’est donné pour mission le collectage, la sauvegarde et la diffusion du patrimoine oral de la Bretagne historique : chansons, musiques, contes, légendes, histoires, proverbes, dictons, récits, témoignages… Depuis la création de l’association, des membres des communautés rurales traditionnelles bretonnes sont interrogées, entre autres, sur le thème des savoir-faire et connaissances liées à la nature. Ainsi, Christophe Auray, vétérinaire, écrivain et collecteur breton, enquête sur les remèdes des bêtes et des gens. Des enregistrements réalisés à la fin des années 1990 auprès des habitants d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan sont rendus accessibles sur la base de donnée Dastumédia.

 

Base Dastumédia : http://www.dastumedia.bzh/ [consultée le 20 juin 2019].

Les recherches menées pour la présente fiche sont en lien avec deux enquêtes ethnobotaniques menées en Centre Bretagne et Haute-Bretagne.

 

Enquête ethnobotanique de Flora Armorica en Basse-Bretagne
Le réseau Flora Armorica a vu le jour dans le cadre du projet « Flora Celtica », qui visait à répertorier tous les usages populaires des plantes de tradition celte, en France, en Écosse et en Angleterre. De 1997 à 2005, avec l’ambition d’un projet fédérateur couvrant la Bretagne historique, l’initiative est lancée en Centre-Ouest Bretagne. À partir de 2007, le projet s’organise en réseau porté par les associations Skol louarnig, Herborescence et Les mémoires du Kreiz Breizh et cinq pôles de collectage sont constitués à Bulat-Pestivien, Guéméné-sur-Scorff, Coray, La Feuillée et Carhaix-Plouguer. Une quarantaine de bénévoles encadrés par des ethnobotanistes pratique une ethnologie de sauvetage et œuvre contre l’extinction des savoirs en réalisant des enquêtes auprès des praticiens. Les enquêtes se font chez l’habitant, parfois au sein d’institutions d’accueil pour personnes âgées ou sur les espaces publics comme les marchés. La pratique de la langue bretonne tient une place importante dans les enquêtes et l’analyse de la langue ouvre des champs d’études extrêmement riches d’un point de vue anthropologique. Le travail d’enquête mené pendant trois ans, de 2008 à 2011, a permis la publication de l’ouvrage Savoirs populaires sur la flore en Centre Ouest Bretagne : Dastumadeg Kentañ, Premières cueillettes. En 2012, Flora armorica est devenu une association et a poursuivi son fonctionnement sans subvention. Les pôles de collectage ont évolué : certains ont disparu, d’autres ont vu le jour, majoritairement en Basse-Bretagne. L’association travaille aujourd’hui à la mise en ligne d’une base de données comportant le nom des plantes en breton ou gallo et leurs usages.
Site de l’association Flora Armorica : https://flora-armorica.org/ [consulté le 22 août 2019].

 

Enquête ethnobotanique de La Liètt en Haute-Bretagne
Association de collectage ethnobotanique en pays gallo créée en 2012, La Liètt s’est appuyée sur l’intérêt de l’association de sensibilisation à l’environnement Ar Vuhez pour les connaissances naturalistes locales et sur l’expérience de Flora Armorica, déjà citée. Un réseau de personnes croisant différentes approches s’est constitué pour découvrir et recenser les richesses culturelles et naturelles de la région, rendre compte de ces savoirs et les faire vivre. Le fonds de l’association La Liètt a été constitué entre 2012 et 2016 sur une large zone du pays gallo. L’association s’est intéressée au végétal dans divers domaines d’utilisations et de connaissances. Ses enquêtes ont notamment été valorisées sous forme d’un blog et de chroniques thématiques radiodiffusées sur Plum’Fm, « le galo den le ptit-post » (102.1), radio associative du Morbihan. Depuis 2017, l’association est en dormance.
Blog de l’association La Liètt : http://liett.blog.free.fr/ [consulté le 10 août 2019].

Bibliographie sommaire

AR FLOC’H Loeiz, Plant Breizh evit ho yec’hed, Hor Yezh, 1983.
AURAY Christophe, Enquête sur les remèdes traditionnels en Bretagne, Rennes, Ouest-France, 2011.
AURAY Christophe, L’Herbier des paysans, des guérisseurs et des sorciers : secrets et plantes magiques, Rennes, Ouest-France, 2016.
BACKES Michael, Cannabis médicinal. Ce qu’il faut savoir…, Paris, Éditions Hugo et Cie, 2016.
BEAUVILLARD A.-B., Le Médecin des pauvres et les 2000 recettes utiles, Paris, Féron et Beau- villard, 1913.
BIENVENU André, La Santé en pays gallo : anatomie, maladies et médicaments naturels. Le portement en Haote-Bertagne : filomie, maos et deus, rmaedes et « herbolées » avec également les boissons de convivialité, Rennes, Rue des Scribes Éditions, 2009.
BULTÉ Claire, Le Chanvre alimentaire, cosmétique, médicinal, textile … Une ressource prodigieuse pour notre avenir, Éditions de Terran, 2018.
CARLIER Viviane, CRÉAC’HCADEC Florence, GALL Laurent et Myriam, Savoirs populaires sur la flore en Centre Ouest Bretagne : Dastumadeg kentañ. Premières cueillettes, Carhaix-Plouguer, Flora Armorica/Phisale graphic, 2011.
GIRAUDON Daniel, Du chêne au roseau : traditions populaires de Bretagne, Fouesnant, Yoran Embanner, 2010.
LE RAZAVET Louis, « Les carnets d’un vétérinaire de campagne : l’existence agricole dans le Bas- Trégor au début du XXe siècle », Les Cahiers du Trégor, n° 17, décembre 1989, p. 3-13.
MÉRIEUX Maëlle, « Le collectage ethnobotanique en Bretagne », Bécédia, octobre 2017, en ligne : http://bcd.bzh/becedia/fr/le-collectage-ethnobotanique-en-bretagne [consulté le 10 août 2019].
SÉBILLOT Paul, « Les arbres et les plantes », dans Traditions et superstitions de la Haute- Bretagne, Paris, Maisonneuve et Larose, 1882.

 

Sitographie sommaire
• Association Bretagne Chanvre Développement
https://www.facebook.com/Association-Bretagne-Chanvre-D%C3%A9veloppement- 1578902698798398/ [consulté le 5 septembre 2019]
• Association Dastum
http://www.dastum.bzh/ [consulté le 20 juin 2019]
• Association Flora Armorica
https://flora-armorica.org/ [consulté le 22 août 2019]
• Association La Liètt
http://liett.blog.free.fr/ [consulté le 10 août 2019]
http://www.radiobreizh.bzh/fr/emission.php?emid=374 [consulté le 10 août 2019]
• Association et École Bretonne d’Herboristerie Cap santé
http://www.capsante.net/ [consulté le 20 septembre 2019]
• Bleu-Blanc-Coeur
https://www.bleu-blanc-coeur.org/ [consulté le 6 juin 2019]
• Encyclopédie Bécédia
http://www.bcd.bzh/fr/accueil/ [consulté le 10 août 2019]
• L’Chanvre
https://www.lchanvre.com/ [consulté le 22 juin 2019]

 

Praticien(s) rencontré(s) et contributeur(s) de la fiche
• École bretonne d’herboristerie Cap santé, Rue Jules Ferry, 29410 Plounéour-Ménez, capsante29@orange.fr.
• HENRI Paul, courtier en lin à la retraite, 4 rue de Trestignel, 22700 Perros-Guirec.
• LE BRIS François, enseignant en équitation, éleveur à la retraite et fils d’éleveur de chevaux de traie, Lescoat, 29160 Crozon, 06.03.28.73.14.
• NORMAND Pierre-Yves, président de l’association Bretagne Chanvre Développement, 22 chemin de Saint-Herbot, 29000 Quimper, 06.75.62.84.22, pierre-yves.normand@orange.fr.
• SALAÜN Jean-Yves, agriculteur à la retraite, Penbran, 29800 Saint-Urbain, 02.98.25.02.81, mjy.salaun@wanadoo.fr.

Rédacteur de la fiche
SALAÜN Lénaïg, adhérente de l’association Lin & Chanvre en Bretagne, place François-Mitterrand, 29800 Landerneau

 

Enquêteur(s), chercheur(s) ou membre(s) du comité scientifique associé
• HUBERT Christine, tisserande et adhérente de Lin & Chanvre en Bretagne.
• LANCELOT Jeanne, en service civique pour Lin & Chanvre en Bretagne.
• LE GALL-SANQUER Andrée, présidente de Lin & Chanvre en Bretagne.
• POSTIC Fañch, ethnologue.

 

Lieux(x) et date/période de l’enquête

Crozon, Landerneau, Plougastel-Daoulas, Plounéour-Menez et Saint-Urbain (Finistère) et Bulat- Pestivien, Perros-Guirec (Côtes-d’Armor), 2018-2019.

 

Date de remise de la fiche : 30 janvier 2020
Année d’inclusion à l’inventaire : 2020
N° de la fiche : 2020_67717_INV_PCI_FRANCE_00461
Identifiant ARKH : ark:/67717/nvhdhrrvswvk25g